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Armand a des hochements de tête qui valent toute une vie d' amour . Comment laisser à une autre femme le droit , le soin , le plaisir de souffler sur une cuillerée de soupe que Naïs trouvera trop chaude , elle que j' ai sevrée il y a sept mois , et qui se souvient toujours du sein ? Quand une bonne a brûlé la langue et les lèvres d' un enfant avec quelque chose de chaud , elle dit à la mère qui accourt que c' est la faim qui le fait crier .
Mais comment une mère dort - elle en paix avec l' idée que des haleines impures peuvent passer sur les cuillerées avalées par son enfant , elle à qui la nature n' a pas permis d' avoir un intermédiaire entre son sein et les lèvres de son nourrisson ! Découper la côtelette de Naïs qui fait ses dernières dents et mélanger cette viande cuite à point avec des pommes de terre est une oeuvre de patience , et vraiment il n' y a qu' une mère qui puisse savoir dans certains cas faire manger en entier le repas à un enfant qui s' impatiente .
Ni domestiques nombreux ni bonne anglaise ne peuvent donc dispenser une mère de donner en personne sur le champ de bataille où la douceur doit lutter contre les petits chagrins de l' enfance , contre ses douleurs .
Tiens , Louise , il faut soigner ces chers innocents avec son âme ; il faut ne croire qu' à ses yeux , qu' au témoignage de la main pour la toilette , pour la nourriture et pour le coucher .
En principe , le cri d' un enfant est une raison absolue qui donne tort à sa mère ou à sa bonne quand le cri n' a pas pour cause une souffrance voulue par la nature .
Depuis que j' en ai deux et bientôt trois à soigner , je n' ai rien dans l' âme que mes enfants ; et toi - même , que j' aime tant , tu n' es qu' à l' état de souvenir .
Je ne suis pas toujours habillée à deux heures .
Aussi ne croyais - je pas aux mères qui ont des appartements rangés et des cols , des robes , des affaires en ordre .
Hier , aux premiers jours d' avril , il faisait beau , j' ai voulu les promener avant mes couches dont l' heure tinte ; eh bien , pour une mère , c' est tout un poème qu' une sortie , et l' on se le promet la veille pour le lendemain .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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