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Un médecin , deux médecins amenés de Marseille par Louis , restaient là plantés sur leurs jambes comme des oiseaux de mauvais augure , ils me faisaient frissonner . L' un parlait de fièvre cérébrale , l' autre voyait des convulsions comme en ont les enfants . Le médecin de notre canton me paraissait être le plus sage parce qu' il ne prescrivait rien .
" C' est les dents , disait le second . C' est une fièvre " , disait le premier . Enfin , on convint de mettre des sangsues au cou et de la glace sur la tête . Je me sentais mourir .
être là , voir un cadavre bleu ou noir , pas un cri , pas un mouvement , au lieu d' une créature si bruyante et si vive ! Il y eut un moment où ma tête s' est égarée , et où j' ai eu comme un rire nerveux en voyant ce joli cou , que j' avais tant baisé , mordu par des sangsues , et cette charmante tête sous une calote de glace .
Ma chère , il a fallu lui couper cette jolie chevelure que nous admirions tant , et que tu avais caressée , pour pouvoir mettre la glace .
De dix en dix minutes , comme dans mes douleurs d' accouchement , la convulsion revenait , et le pauvre petit se tordait , tantôt pâle , tantôt violet .
En se rencontrant , ses membres si flexibles rendaient un son comme si c' eût été du bois . Cette créature insensible m' avait souri , m' avait parlé , m' appelait naguère encore maman ! à ces idées des masses de douleurs me traversaient l' âme , en l' agitant comme des ouragans agitent la mer , et je sentais tous les liens par lesquels un enfant tient à notre coeur ébranlés .
Ma mère , qui peut - être m' aurait aidée , conseillée ou consolée , est à Paris .
Les mères en savent plus sur les convulsions que les médecins , je crois . Après quatre jours et quatre nuits passés dans des alternatives et des craintes qui m' ont presque tuée , les médecins furent tous d' avis d' appliquer une affreuse pommade pour faire des plaies ! Oh ! des plaies à mon Armand qui jouait cinq jours auparavant , qui souriait , qui s' essayait à dire marraine ! Je m' y suis refusée en voulant me confier à la nature .
Louis me grondait , il croyait aux médecins .
Un homme est toujours homme . Mais il y a dans ces terribles maladies des instants où elles prennent la forme de la mort ; et pendant un de ces instants , ce remède , que j' abominais , me parut être le salut d' Armand .
Ma Louise , la peau était si sèche , si rude , si aride , que l' onguent ne prit pas .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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