----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Mon père est nommé , mon beau - père est mort , et je suis encore sur le point d' accoucher ; tels sont les événements marquants de la fin de cette année . Je te les dis sur - le - champ , pour que l' impression que te fera mon cachet noir se dissipe aussitôt .
Ma mignonne , ta lettre de Rome m' a fait frémir . Vous êtes deux enfants . Felipe est , ou un diplomate qui a dissimulé , ou un homme qui t' aime comme il aimerait une courtisane à laquelle il abandonnerait sa fortune , tout en sachant qu' elle le trahit .
En voilà bien assez . Vous me prenez pour une radoteuse , je me tairai . Mais laisse - moi te dire qu' en étudiant nos deux destinées j' en tire un cruel principe : Voulez - vous être aimée ? n' aimez pas .
Louis , ma chère , a obtenu la croix de la Légion d' honneur quand il a été nommé membre du Conseil général . Or , comme voici bientôt trois ans qu' il est du Conseil , et que mon père , que tu verras sans doute à Paris pendant la session , a demandé pour son gendre le grade d' officier , fais - moi le plaisir d' entreprendre le mamamouchi quelconque que cette nomination regarde , et de veiller à cette petite chose .
Surtout , ne te mêle pas des affaires de mon très honoré père , le comte de Maucombe , qui veut obtenir le titre de marquis ; réserve tes faveurs pour moi .
Quand Louis sera député , c' est - à - dire l' hiver prochain , nous viendrons à Paris , et nous y remuerons alors ciel et terre pour le placer à quelque direction générale , afin que nous puissions économiser tous nos revenus en vivant des appointements d' une place .
Mon père siège entre le centre et la droite , il ne demande qu' un titre ; notre famille était déjà célèbre sous le roi René , le roi Charles X ne refusera pas un Maucombe ; mais j' ai peur qu' il ne prenne à mon père fantaisie de postuler quelque faveur pour mon frère cadet ; et en lui tenant la dragée du marquisat un peu haut , il ne pourra penser qu' à lui - même .
15 janvier .
Ah ! Louise , je sors de l' enfer ! Si j' ai le courage de te parler de mes souffrances , c' est que tu me sembles une autre moi - même . Encore ne sais - je pas si je laisserai jamais ma pensée revenir sur ces cinq fatales journées ! Le seul mot de convulsion me cause un frisson dans l' âme même .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
Page: 339