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XXXIX
DE LA BARONNE DE MACUMER
à LA VICOMTESSE DE L' ESTORADE
Rome , décembre .
J' ai ton infâme lettre , que , sur ma demande , mon régisseur m' a envoyée de Chantepleurs ici . Oh ! Renée ... Mais je t' épargne tout ce que mon indignation pourrait me suggérer . Je vais seulement te raconter les effets produits par ta lettre .
Au retour de la fête charmante que nous a donnée l' ambassadeur et où j' ai brillé de tout mon éclat , d' où Macumer est revenu dans un enivrement de moi que je ne saurais peindre , je lui ai lu ton horrible réponse , et je la lui ai lue en pleurant , au risque de lui paraître laide .
Mon cher Abencérage est tombé à mes pieds en te traitant de radoteuse ; il m' a emmenée au balcon du palais où nous sommes , et d' où nous voyons une partie de Rome : là , son langage a été digne de la scène qui s' offrait à nos yeux ; car il faisait un superbe clair de lune .
Comme nous savons déjà l' italien , son amour , exprimé dans cette langue si molle et si favorable à la passion , m' a paru sublime .
Il m' a dit que , quand même tu serais prophète , il préférait une nuit heureuse ou l' une de nos délicieuses matinées à toute une vie .
à ce compte , il avait déjà vécu mille ans . Il voulait que je restasse sa maîtresse , et ne souhaitait pas d' autre titre que celui de mon amant . Il est si fier et si heureux de se voir chaque jour le préféré que , si Dieu lui apparaissait et lui donnait à opter entre vivre encore trente ans selon ta doctrine et avoir cinq enfants , ou n' avoir plus que cinq ans de vie en continuant nos chères amours fleuries , son choix serait fait : il aimerait mieux être aimé comme je l' aime et mourir .
Ces protestations dites à mon oreille , ma tête sur son épaule , son bras autour de ma taille , ont été troublées en ce moment par les cris de quelque chauve - souris qu' un chat - huant avait surprise .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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