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Lis - moi donc avec attention , je t' en supplie , car il s' agit encore plus de toi que de Macumer , quoiqu' il soit pour beaucoup dans ma morale . D' abord , ma mignonne , tu ne l' aimes pas . Avant deux ans , tu te fatigueras de cette adoration . Tu ne verras jamais en Felipe un mari , mais un amant de qui tu te joueras sans nul souci , comme font d' un amant toutes les femmes .
Non , il ne t' impose pas , tu n' as pas pour lui ce profond respect , cette tendresse pleine de crainte qu' une véritable amante a pour celui en qui elle voit un Dieu .
Oh ! j' ai bien étudié l' amour mon ange , et j' ai jeté plus d' une fois la sonde dans les gouffres de mon coeur . Après t' avoir bien examinée , je puis te le dire : Tu n' aimes pas .
Oui , chère reine de Paris , de même que les reines , tu désireras être traitée en grisette , tu souhaiteras être dominée , entraînée par un homme fort qui , au lieu de t' adorer , saura te meurtrir le bras en te le saisissant au milieu d' une scène de jalousie .
Macumer t' aime trop pour pouvoir jamais soit te réprimander , soit te résister . Un seul de tes regards , une seule de tes paroles d' enjôleuse fait fondre le plus fort de ses vouloirs .
Tôt ou tard , tu le mépriseras de ce qu' il t' aime trop . Hélas ! il te gâte , comme je te gâtais quand nous étions au couvent , car tu es une des plus séduisantes femmes et un des esprits les plus enchanteurs qu' on puisse imaginer .
Tu es vraie surtout , et souvent le monde exige , pour notre propre bonheur , des mensonges auxquels tu ne descendras jamais .
Ainsi , le monde demande qu' une femme ne laisse point voir l' empire qu' elle exerce sur son mari . Socialement parlant , un mari ne doit pas plus paraître l' amant de sa femme quand il l' aime en amant , qu' une épouse ne doit jouer le rôle d' une maîtresse .
Or , vous manquez tous deux à cette loi . Mon enfant , d' abord ce que le monde pardonne le moins en le jugeant d' après ce que tu m' en as dit , c' est le bonheur , on doit le lui cacher ; mais ceci n' est rien .
Il existe entre amants une égalité qui ne peut jamais selon moi , apparaître entre une femme et son mari , sous peine d' un renversement social et sans des malheurs irréparables .
DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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