----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Dans un énorme lointain , comme une lame d' acier , reluit la Méditerranée . Quelques arbres odoriférants ombragent ce banc où j' ai fait transplanter un énorme jasmin , des chèvrefeuilles et des genêts d' Espagne . Quelque jour le rocher sera couvert en entier par des plantes grimpantes . Il y a déjà de la vigne vierge de plantée .
Mais l' hiver arrive , et toute cette verdure est devenue comme une vieille tapisserie . Quand je suis là , personne ne m' y vient troubler , on sait que j' y veux rester seule .
Ce banc s' appelle le banc de Louise . N' est - ce pas te dire que je n' y suis point seule , quoique seule .
Si je te raconte ces détails , si menus pour toi , si je te peins ce verdoyant espoir qui , par avance , habille ce rocher nu , sourcilleux , sur le haut duquel le hasard de la végétation a placé l' un des plus beaux pins en parasol , c' est que j' ai trouvé là des images auxquelles je me suis attachée .
En jouissant de ton heureux mariage ( et pourquoi ne t' avouerais - je pas tout ? ) , en l' enviant de toutes mes forces , j' ai senti le premier mouvement de mon enfant qui des profondeurs de ma vie a réagi sur les profondeurs de mon âme .
Cette sourde sensation , à la fois un avis , un plaisir , une douleur , une promesse , une réalité ; ce bonheur qui n' est qu' à moi dans le monde et qui reste un secret entre moi et Dieu ; ce mystère m' a dit que le rocher serait un jour couvert de fleurs , que les joyeux rires d' une famille y retentiraient , que mes entrailles étaient enfin bénies et donneraient la vie à flots .
Je me suis sentie née pour être mère ! Aussi la première certitude que j' ai eue de porter en moi une autre vie m' a - t - elle donné de bienfaisantes consolations .
Une joie immense a couronné tous ces longs jours de dévouement qui ont fait déjà la joie de Louis .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
Page: 310