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Ne savez - vous donc pas combien vous êtes aimée ? Après vous avoir vue , je reviens dans le cabinet où brille la magnificence sarrasine ; mais où votre portrait éclipse tout , lorsque je fais jouer le ressort qui doit le rendre invisible à tous les regards ; et je me lance alors dans l' infini de cette contemplation : je fais là des poèmes de bonheur . Du haut des cieux je découvre le cours de toute une vie que j' ose espérer ! Avez - vous quelquefois entendu dans le silence des nuits , ou malgré le bruit du monde , une voix résonner dans votre chère petite oreille adorée ? Ignorez - vous les mille prières qui vous sont adressées ? à force de vous contempler silencieusement , j' ai fini par découvrir la raison de tous vos traits , leur correspondance avec les perfections de votre âme ; je vous fais alors en espagnol , sur cet accord de vos deux belles natures , des sonnets que vous ne connaissez pas , car ma poésie est trop au - dessous du sujet , et je n' ose vous les envoyer .
Mon coeur est si parfaitement absorbé dans le vôtre , que je ne suis pas un moment sans penser à vous ; et si vous cessiez d' animer ainsi ma vie , il y aurait souffrance en moi .
Comprenez - vous maintenant , Louise , quel tourment pour moi d' être , bien involontairement , la cause d' un déplaisir pour vous et de n' en pas deviner la raison ? Cette belle double vie était arrêtée , et mon coeur sentait un froid glacial .
Enfin , dans l' impossibilité de m' expliquer ce désaccord , je pensais n' être plus aimé ; je revenais bien tristement , mais heureux encore , à ma condition de serviteur , quand votre lettre est arrivée et m' a rempli de joie .
Oh ! grondez - moi toujours ainsi .
Un enfant , qui s' était laissé tomber , dit à sa mère : " Pardon ! " en se relevant et lui déguisant son mal . Oui , pardon de lui avoir causé une douleur . Eh bien , cet enfant , c' est moi : je n' ai pas changé ? je vous livre la clef de mon caractère avec une soumission d' esclave ; mais , chère Louise , je ne ferai plus de faux pas .
Tâchez que la chaîne qui m' attache à vous , et que vous tenez , soit toujours assez tendue pour qu' un seul mouvement dise vos moindres souhaits à celui qui sera toujours
Votre esclave ,
FELIPE .
DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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