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Felipe me plaît toujours , mais je me trouve maintenant calme et à mon aise . Plus d' obstacles ! quel terrible mot . En moi tout s' affaisse , se rasseoit , et j' ai peur de m' interroger . Il a eu tort de me cacher la violence de son amour , il m' a laissée maîtresse de moi .
Enfin , je n' ai pas les bénéfices de cette espèce de faute . Oui , chère , quelque douceur que m' apporte le souvenir de cette demi - heure passée sous les arbres , je trouve le plaisir qu' elle m' a donné bien au - dessous des émotions que j' avais en disant : " Y viendrai - je ? n' y viendrai - je pas ? lui écrirai - je ? ne lui écrirai - je point ? " En serait - il donc ainsi pour tous nos plaisirs ? Serait - il meilleur de les différer que d' en jouir ?
L' espérance vaudrait - elle mieux que la possession ? Les riches sont - ils les pauvres ? Avons - nous toutes deux trop étendu les sentiments en développant outre mesure les forces de notre imagination ? Il y a des instants où cette idée me glace .
Sais - tu pourquoi ? Je songe à revenir sans Griffith au bout du jardin . Jusqu' où irais - je ainsi ?
L' imagination n' a pas de bornes , et les plaisirs en ont .
Dis - moi , cher docteur en corset , comment concilier ces deux termes de l' existence des femmes ?
XXII
LOUISE à FELIPE
Je ne suis pas contente de vous . Si vous n' avez pas pleuré en lisant Bérénice de Racine , si vous n' y avez pas trouvé la plus horrible des tragédies , vous ne me comprendrez point , nous ne nous entendrons jamais : brisons , ne nous voyons plus , oubliez - moi ; car si vous ne me répondez pas d' une manière satisfaisante , je vous oublierai , vous deviendrez monsieur le baron de Macumer pour moi , ou plutôt vous ne deviendrez rien , vous serez pour moi comme si vous n' aviez jamais existé .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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