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 Mon philosophe de l' Aveyron a raison de considérer la famille comme la seule unité sociale possible et d' y soumettre la femme comme elle l' a été de tout temps . La       solution de cette grande question , presque terrible pour nous , est dans le premier enfant que nous avons . Aussi voudrais - je être mère , ne fût - ce que pour donner une pâture à la dévorante activité de mon âme . 
 Louis est toujours d' une adorable bonté , son amour est actif et ma tendresse est abstraite ; il est heureux , il cueille à lui seul les fleurs , sans s' inquiéter des efforts de la terre qui les produit . 
Heureux égoïsme ! Quoi qu' il puisse m' en coûter , je me prête à ses illusions , comme une mère , d' après les idées que je me fais d' une mère , se brise pour procurer un plaisir à son enfant . Sa joie est si profonde qu' elle lui ferme les yeux et qu' elle jette ses reflets jusque sur moi . 
Je le trompe par le sourire ou par le regard pleins de satisfaction que me cause la certitude de lui donner le bonheur . 
Aussi , le nom d' amitié dont je me sers pour lui dans notre intérieur est - il :  " mon enfant !  " J' attends le fruit de tant de sacrifices qui seront un secret entre Dieu , toi et moi . La maternité est une entreprise à laquelle j' ai ouvert un crédit énorme , elle me doit trop aujourd' hui , je crains de n' être pas assez payée : elle est chargée de déployer mon énergie et d' agrandir mon coeur , de me dédommager par des joies illimitées . 
Oh ! mon Dieu , que je ne sois pas trompée ! là est tout mon avenir , et , chose effrayante à penser ; celui de ma vertu . 
    XXI 
  LOUISE DE CHAULIEU
  à RENÉE DE L' ESTORADE 
      Juin . 
 Chère biche mariée , ta lettre est venue à propos pour me justifier à moi - même une hardiesse à laquelle je pensais nuit et jour . Il y a je ne sais quel appétit en moi pour les choses inconnues ou , si tu veux , défendues , qui m' inquiète et m' annonce au dedans de moi - même un combat entre les lois du monde et celles de la nature . 
 
DEUX JEUNES MARIEES  (I, privé)
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