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Je n' ose écrire mes pensées et vais me coucher dans ma joie , en songeant à tout ce que nous dirions si nous étions ensemble . Adieu , belle muette . Je n' ai pas le temps de te gronder sur ton silence ; mais voici plus d' un mois que je n' ai de tes nouvelles . Serais - tu , par hasard , devenue heureuse ? N' aurais - tu plus ce libre arbitre qui te rendait si fière et qui ce soir a failli m' abandonner ?
XX
RENÉE DE L' ESTORADE
à LOUISE DE CHAULIEU
Mai .
Si l' amour est la vie du monde , pourquoi d' austères philosophes le suppriment - ils dans le mariage ? Pourquoi la Société prend - elle pour loi suprême de sacrifier la Femme à la Famille en créant ainsi nécessairement une lutte sourde au sein du mariage ? lutte prévue par elle et si dangereuse qu' elle a inventé des pouvoirs pour en armer l' homme contre nous , en devinant que nous pouvions tout annuler soit par la puissance de la tendresse , soit par la persistance d' une haine cachée .
Je vois en ce moment , dans le mariage , deux forces opposées que le législateur aurait dû réunir ; quand se réuniront - elles ? voilà ce que je me dis en te lisant .
Oh ! chère , une seule de tes lettres ruine cet édifice bâti par le grand écrivain de l' Aveyron , et où je m' étais logée avec une douce satisfaction .
Les lois ont été faites par des vieillards , les femmes s' en aperçoivent ; ils ont bien sagement décrété que l' amour conjugal exempt de passion ne nous avilissait point , et qu' une femme devait se donner sans amour une fois que la loi permettait à un homme de la faire sienne .
Préoccupés de la famille , ils ont imité la nature , inquiète seulement de perpétuer l' espèce .
J' étais un être auparavant , et je suis maintenant une chose !
Il est plus d' une larme que j' ai dévorée au loin , seule et que j' aurais voulu donner en échange d' un sourire consolateur . D' où vient l' inégalité de nos destinées ?

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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