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Ma chère , au retour , avec une résolution digne d' une Chaulieu , j' ai ouvert ma fenêtre pour admirer une averse . Oh ! si les hommes connaissaient la puissance de séduction qu' exercent sur nous les actions héroïques , ils seraient bien grands ; les plus lâches deviendraient des héros . Ce que j' avais appris de mon Espagnol me donnait la fièvre .
J' étais sûre qu' il était là , prêt à me jeter une nouvelle lettre . Aussi n' ai - je rien brûlé : j' ai lu . Voici donc la première lettre d' amour que j' ai reçue , madame la raisonneuse : chacune la nôtre .
" Louise , je ne vous aime pas à cause de votre sublime beauté ; je ne vous aime pas à cause de votre esprit si étendu , de la noblesse de vos sentiments , de la grâce infinie que vous donnez à toutes choses , ni à cause de votre fierté , de votre royal dédain pour ce qui n' est pas de votre sphère , et qui chez vous n' exclut point la bonté , car vous avez la charité des anges ; Louise , je vous aime parce que vous avez fait fléchir toutes ces grandeurs altières pour un pauvre exilé ; parce que , par un geste , par un regard , vous avez consolé un homme d' être si fort au - dessous de vous , qu' il n' avait droit qu' à votre pitié , mais à une pitié généreuse .
Vous êtes la seule femme au monde qui aura tempéré pour moi la rigueur de ses yeux ; et comme vous avez laissé tomber sur moi ce bienfaisant regard , alors que j' étais un grain dans la poussière , ce que je n' avais jamais obtenu quand j' avais tout ce qu' un sujet peut avoir de puissance , je tiens à vous faire savoir , Louise , que vous m êtes devenue chère , que je vous aime pour vous - même et sans aucune arrière - pensée , en dépassant de beaucoup les conditions mises par vous à un amour parfait .
Apprenez donc idole placée par moi au plus haut des cieux , qu' il est dans le monde un rejeton de la race sarrasine dont la vie vous appartient , à qui vous pouvez tout demander comme à un esclave , et qui s' honorera d' exécuter vos ordres .
Je me suis donné à vous sans retour , et pour le seul plaisir de me donner , pour un seul de vos regards , pour cette main tendue un matin à votre maître d' espagnol .
Vous avez un serviteur , Louise , et pas autre chose .
Non , je n' ose penser que je puisse être jamais aimé ; mais peut - être serai - je souffert , et seulement à cause de mon dévouement .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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