----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----
L' élégance que j' introduisais dans la maison a jeté des reflets sur sa personne . Insensiblement je me suis habituée à lui , j' en ai fait un autre moi - même . A force de le voir , j' ai découvert la correspondance de son âme et de sa physionomie . La bête que nous nommons un mari , selon ton expression , a disparu .
J' ai vu , par je ne sais quelle douce soirée , un amant dont les paroles m' allaient à l' âme et sur le bras duquel je m' appuyais avec un plaisir indicible .
Enfin , pour être vraie avec toi , comme je le serais avec Dieu , qu' on ne peut pas tromper , piquée peut - être par l' admirable religion avec laquelle il tenait son serment , la Curiosité s' est levée dans mon coeur .
Très honteuse de moi - même , je me résistais . Hélas ! quand on ne résiste plus que par dignité , l' esprit a bientôt trouvé des transactions . La fête a donc été secrète comme entre deux amants , et secrète elle doit rester entre nous .
Lorsque tu te marieras , tu approuveras ma discrétion . Sache cependant que rien n' a manqué de ce que veut l' amour le plus délicat , ni de cet imprévu qui est , en quelque sorte , l' honneur de ce moment - là : les grâces mystérieuses que nos imaginations lui demandent , l' entraînement qui excuse , le consentement arraché , les voluptés idéales longtemps entrevues et qui nous subjuguent l' âme avant que nous nous laissions aller à la réalité , toutes les séductions y étaient avec leurs formes enchanteresses .
Je t' avoue que , malgré ces belles choses , j' ai de nouveau stipulé mon libre arbitre , et je ne veux pas t' en dire toutes les raisons . Tu seras certes la seule âme en qui je verserai cette demi - confidence .
Même en appartenant à son mari , adoré ou non , je crois que nous perdrions beaucoup à ne pas cacher nos sentiments et le jugement que nous portons sur le mariage . La seule joie que j' ai eue , et qui a été céleste , vient de la certitude d' avoir rendu la vie à ce pauvre être avant de la donner à des enfants .
Louis a repris sa jeunesse , sa force , sa gaieté . Ce n' est plus le même homme . J' ai , comme une fée , effacé jusqu' au souvenir des malheurs .
J' ai métamorphosé Louis , il est devenu charmant . Sûr de me plaire , il déploie son esprit et révèle des qualités nouvelles . Etre le principe constant du bonheur d' un homme quand cet homme le sait et mêle de la reconnaissance à l' amour , ah ! chère , cette certitude développe dans l' âme une force qui dépasse celle de l' amour le plus entier .
DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
Page: 255