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Cette réponse que le vicomte de Vandenesse m' a rapportée textuellement , m' a donné beaucoup à penser . Je ne puis dire en quelles anxiétés j' ai passé le temps jusqu' à ma première leçon , qui a eu lieu ce matin . Pendant le premier quart d' heure de la leçon , je me suis demandé , en l' examinant , s' il était duc ou bourgeois , sans pouvoir y rien comprendre . Il semblait deviner mes pensées à mesure qu' elles naissaient et se plaire à les contrarier . Enfin je n' y tins plus , je quittai brusquement mon livre en interrompant la traduction que j' en faisais à haute voix , je lui dis en espagnol : " Vous nous trompez , monsieur .
Vous n' êtes pas un pauvre bourgeois libéral , vous êtes le duc de Soria ? Mademoiselle , répondit - il avec un mouvement de tristesse , malheureusement , je ne suis pas le duc de Soria .
" Je compris tout ce qu' il mit de désespoir dans le mot malheureusement .
Ah ! ma chère , il sera , certes , impossible à aucun homme de mettre autant de passion et de choses dans un seul mot . Il avait baissé les yeux , et n' osait plus me regarder . " M . de Talleyrand , lui dis - je , chez qui vous avez passé les années d' exil , ne laisse d' autre alternative à un Hénarez que celle d' être ou duc de Soria disgracié ou domestique .
" Il leva les yeux sur moi , et me montra deux brasiers noirs et brillants , deux yeux à la fois flamboyants et humiliés .
Cet homme m' a paru être alors à la torture . " Mon père , dit - il , était en effet serviteur du roi d' Espagne . " Griffith ne connaissait pas cette manière d' étudier .
Nous faisions des silences inquiétants à chaque demande et à chaque réponse . " Enfin , lui dis - je , êtes - vous noble ou bourgeois ? Vous savez , mademoiselle , qu' en Espagne tout le monde , même les mendiants , sont nobles .
" Cette réserve m' impatienta . J' avais préparé depuis la dernière leçon un de ces amusements qui sourient à l' imagination . J' avais tracé dans une lettre le portrait idéal de l' homme par qui je voudrais être aimée , en me proposant de le lui donner à traduire .
Jusqu' à présent j' ai traduit de l' espagnol en français , et non du français en espagnol ; je lui en fis l' observation , et priai Griffith de me chercher la dernière lettre que j' avais reçue d' une de mes amies .
Je verrai , pensais - je , à l' effet que lui fera mon programme , quel sang est dans ses veines . Je pris le papier des mains de Griffith en disant : " Voyons si j' ai bien copié ? " , car tout était de mon écriture .
Je lui tendis le papier ou si tu veux le piège , et je l' examinai pendant qu' il lisait ceci .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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