----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----
On se marie au hasard , et tu te maries ainsi . Des ouragans de pensées ont passé dans mon âme . être aimée tous les jours de la même manière et néanmoins diversement , être aimée autant après dix ans de bonheur que le premier jour ! Un pareil amour veut des années : il faut s' être laissé désirer pendant bien du temps , avoir éveillé bien des curiosités et les satisfaire , avoir excité bien des sympathies et y répondre .
Y a - t - il donc des lois pour les créations du coeur , comme pour les créations visibles de la nature ? L' allégresse se soutient - elle ? Dans quelle proportion l' amour doit - il mélanger ses larmes et ses plaisirs ? Les froides combinaisons de la vie funèbre , égale , permanente du couvent m' ont alors semblé possibles ; tandis que les richesses , les magnificences , les pleurs , les délices , les fêtes , les joies , les plaisirs de l' amour égal , partagé , permis m' ont semblé l' impossible .
Je ne vois point de place dans cette ville aux douceurs de l' amour , à ses saintes promenades sous des charmilles , au clair de la pleine lune , quand elle fait briller les eaux et qu' on résiste à des prières .
Riche , jeune et belle , je n' ai qu' à aimer , l' amour peut devenir ma vie , ma seule occupation ; or , depuis trois mois que je vais , que je viens avec une impatiente curiosité , je n' ai rien rencontré parmi ces regards brillants , avides , éveillés .
Aucune voix ne m' a émue , aucun regard ne m' a illuminé ce monde .
La musique seule a rempli mon âme , elle seule a été pour moi ce qu' est notre amitié .
Je suis restée quelquefois pendant une heure , la nuit , à ma fenêtre , regardant le jardin , appelant des événements , les demandant à la source inconnue d' où ils sortent .
Je suis quelquefois partie en voiture allant me promener , mettant pied à terre dans les Champs - Élysées en imaginant qu' un homme , que celui qui réveillera mon âme engourdie , arrivera , me suivra , me regardera ; mais , ces jours - là , j' ai vu des saltimbanques , des marchands de pain d' épice et des faiseurs de tours , des passants pressés d' aller à leurs affaires ou des amoureux qui fuyaient tous les regards , et j' étais tentée de les arrêter et de leur dire : " Vous qui êtes heureux , dites - moi ce que c' est que l' amour ? " Mais je rentrais ces folles pensées , je remontais en voiture , et je me promettais de demeurer vieille fille .
L' amour est certainement une incarnation , et quelles conditions ne faut - il pas pour qu' elle ait lieu ! Nous ne sommes pas certaines d' être toujours bien d' accord avec nous - mêmes , que sera - ce à deux ? Dieu seul peut résoudre ce problème .
DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
Page: 232