----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Suivant ma fantaisie , je puis rire comme nous avons ri souvent , et je serai respectée : il y aura je ne sais quoi d' imposant dans les fossettes que de ses doigts légers la Plaisanterie fera dans mes joues blanches . Je puis baisser les yeux et me donner un coeur de glace sous mon front de neige . Je puis offrir le cou mélancolique du cygne en me posant en madone , et les vierges dessinées par les peintres seront à cent piques au - dessous de moi ; je serai plus haut qu' elles dans le ciel .
Un homme sera forcé , pour me parler , de musiquer sa voix .
Je suis donc armée de toutes pièces , et puis parcourir le clavier de la coquetterie depuis les notes les plus graves jusqu' au jeu le plus flûté . C' est un immense avantage que de ne pas être uniforme . Ma mère n' est ni folâtre , ni virginale ; elle est exclusivement digne , imposante ; elle ne peut sortir de là que pour devenir léonine ; quand elle blesse , elle guérit difficilement ; moi , je saurai blesser et guérir .
Je suis tout autre encore que ma mère .
Aussi n' y a - t - il pas de rivalité possible entre nous , à moins que nous ne nous disputions sur le plus ou le moins de perfection de nos extrémités qui sont semblables .
Je tiens de mon père , il est fin et délié . J' ai les manières de ma grand - mère et son charmant ton de voix , une voix de tête quand elle est forcée , une mélodieuse voix de poitrine dans le médium du tête - à - tête .
Il me semble que c' est seulement aujourd' hui que j' ai quitté le couvent . Je n' existe pas encore pour le monde , je lui suis inconnue . Quel délicieux moment ! Je m' appartiens encore , comme une fleur qui n' a pas été vue et qui vient d' éclore .
Eh bien , mon ange , quand je me suis promenée dans mon salon en me regardant , quand j' ai vu l' ingénue défroque de la pensionnaire , j' ai eu je ne sais quoi dans le coeur : regrets du passé , inquiétudes sur l' avenir , craintes du monde , adieux à nos pâles marguerites innocemment cueillies , effeuillées insouciamment ; il y avait de tout cela ; mais il y avait aussi de ces idées fantasques que je renvoie dans les profondeurs de mon âme , où je n' ose descendre et d' où elles viennent .
Ma Renée , j' ai un trousseau de mariée ! Le tout est bien rangé , parfumé dans les tiroirs de cèdre et à devant de laque du délicieux cabinet de toilette . J' ai rubans , chaussures , gants , tout en profusion .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
Page: 213