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de Chaulieu , qui s' est trouvée d' accord avec la mienne , est de ne rien négliger pour vous rendre la vie agréable et de vous laisser voir le monde . à votre âge , j' eusse pensé comme vous ; ainsi je ne vous en veux point : vous ne pouvez comprendre ce que nous vous demandions .
Vous ne me trouverez point d' une sévérité ridicule . Si vous avez soupçonné mon coeur , vous reconnaîtrez bientôt que vous vous trompiez . Quoique je veuille vous laisser parfaitement libre , je crois que pour les premiers moments vous ferez sagement d' écouter les avis d' une mère qui se conduira comme une soeur avec vous .
" La duchesse parlait d' une voix douce , et remettait en ordre ma pèlerine de pensionnaire .
Elle m' a séduite . à trente - huit ans , elle est belle comme un ange ; elle a des yeux d' un noir bleu , des cils comme des soies , un front sans plis , un teint blanc et rose à faire croire qu' elle se farde , des épaules et une poitrine étonnantes , une taille cambrée et mince comme la tienne , une main d' une beauté rare , c' est une blancheur de lait ; des ongles où séjourne la lumière , tant ils sont polis ; le petit doigt légèrement écarté , le pouce d' un fini d' ivoire .
Enfin elle a le pied de sa main , le pied espagnol de Mlle de Vandenesse .
Si elle est ainsi à quarante , elle sera belle encore à soixante ans .
J' ai répondu , ma biche , en fille soumise . J' ai été pour elle ce qu' elle a été pour moi , j' ai même été mieux : sa beauté m' a vaincue , je lui ai pardonné son abandon , j' ai compris qu' une femme comme elle avait été entraînée par son rôle de reine .
Je le lui ai dit naïvement comme si j' eusse causé avec toi . Peut - être ne s' attendait - elle pas à trouver un langage d' amour dans la bouche de sa fille ? Les sincères hommages de mon admiration l' ont infiniment touchée : ses manières ont changé , sont devenues plus gracieuses encore ; elle a quitté le vous .
" Tu es une bonne fille , et j' espère que nous resterons amies .
" Ce mot m' a paru d' une adorable naïveté . Je n' ai pas voulu lui faire voir comment je le prenais , car j' ai compris aussitôt que je dois lui laisser croire qu' elle est beaucoup plus fine et plus spirituelle que sa fille .
J' ai donc fait la niaise , elle a été enchantée de moi . Je lui ai baisé les mains à plusieurs reprises en lui disant que j' étais bien heureuse qu' elle agît ainsi avec moi , que je me sentais à l' aise , et je lui ai même confié ma terreur .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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