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d' Espard pendant une partie de la journée , car après le déjeuner , jusqu' à quatre heures du soir , le marquis demeurait dans son cabinet , au troisième étage , pour surveiller la publication qu' il avait entreprise . Les personnes qui venaient le voir le trouvaient habituellement là . Souvent , au retour de leurs classes , ses deux enfants montaient à ce bureau .
L' appartement du rez - de - chaussée formait donc un sanctuaire où le père et ses fils demeuraient depuis le dîner jusqu' au lendemain . Sa vie de famille était ainsi soigneusement murée . Il avait pour tout domestique une cuisinière , vieille femme depuis longtemps attachée à sa maison , et un valet de chambre âgé de quarante ans , qui le servait avant qu' il n' épousât Mlle de Blamont .
La gouvernante des enfants était restée près d' eux .
Les soins minutieux dont témoignait la tenue de l' appartement annonçaient l' esprit d' ordre , le maternel amour que cette femme déployait pour les intérêts de son maître dans la conduite de sa maison et dans le gouvernement des enfants .
Graves et peu communicatifs , ces trois braves gens semblaient avoir compris la pensée qui dirigeait la vie intérieure du marquis .
Ce contraste entre leurs habitudes et celles de la plupart des valets constituait une singularité qui jetait sur cette maison un air de mystère , et qui servait beaucoup la calomnie à laquelle M .
d' Espard donnait lui - même prise . Des motifs louables lui avaient fait prendre la résolution de ne se lier avec aucun des locataires de la maison . En entreprenant l' éducation de ses enfants , il désirait les garantir de tout contact avec des étrangers .
Peut - être aussi voulut - il éviter les ennuis du voisinage . Chez un homme de sa qualité , par un temps où le libéralisme agitait particulièrement le quartier latin , cette conduite devait exciter contre lui de petites passions , des sentiments dont la niaiserie n' est comparable qu' à leur bassesse , et qui engendraient des commérages de portiers , des propos envenimés de porte à porte , ignorés de M .
d' Espard et de ses gens .
Son valet de chambre passait pour être un jésuite , sa cuisinière était une sournoise , la gouvernante s' entendait avec Mme Jeanrenaud pour dépouiller le fou .
Le fou était le marquis . Les locataires arrivèrent insensiblement à taxer de folie une foule de choses observées chez M . d' Espard , et passées au tamis de leurs appréciations sans qu' ils y trouvassent des motifs raisonnables .

INTERDICTION (III, privé)
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