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Elle paraissait devoir demeurer longtemps à l' horizon parisien , comme un soleil près de se coucher , mais qui ne se coucherait jamais . La marquise s' était étroitement liée avec une duchesse non moins célèbre par sa beauté que par son dévouement à la personne d' un prince alors en disgrâce , mais habitué à toujours entrer en dominateur dans les gouvernements à venir . Mme d' Espard était également l' amie d' une étrangère près de laquelle un illustre et rusé diplomate russe analysait les affaires publiques . Enfin une vieille comtesse accoutumée à battre les cartes du grand jeu politique l' avait maternellement adoptée .
Pour tout homme à haute vue , Mme d' Espard se préparait ainsi à faire succéder une sourde , mais réelle influence au règne public et frivole qu' elle devait à la mode .
Son salon prenait une consistance politique . Ces mots : Qu' en dit - on chez Mme d' Espard ? Le salon de Mme d' Espard est contre telle mesure , commençaient à se répéter par un assez grand nombre de sots pour donner à son troupeau de fidèles l' autorité d' une coterie .
Quelques blessés politiques , pansés , chatouillés par elle , tels que le favori de Louis XVIII , qui ne pouvait plus se faire prendre en considération , et d' anciens ministres près de revenir au pouvoir , la disaient aussi forte en diplomatie que l' était à Londres la femme de l' ambassadeur russe .
La marquise avait plusieurs fois donné , soit à des députés , soit à des pairs , des mots et des idées qui de la tribune avaient retenti en Europe .
Elle avait souvent bien jugé de quelques événements sur lesquels ses habitués n' osaient émettre un avis .
Les principaux personnages de la cour venaient jouer au whist chez elle le soir . Elle avait d' ailleurs les qualités de ses défauts .
Elle passait pour être discrète et l' était . Son amitié paraissait être à toute épreuve . Elle servait ses protégés avec une persistance qui prouvait qu' elle tenait moins à se faire des créatures qu' à augmenter son crédit .
Cette conduite était inspirée par sa passion dominante , la vanité . Les conquêtes et les plaisirs auxquels tiennent tant de femmes lui semblaient , à elle , des moyens : elle voulait vivre sur tous les points du plus grand cercle que puisse décrire la vie .
Parmi les hommes encore jeunes auxquels l' avenir appartenait et qui se pressaient dans ses salons aux grands jours , se remarquaient MM .

INTERDICTION (III, privé)
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