----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Enragé libéral et fils de l' Houmeau , Petit - Claud fut le promoteur , l' âme et le conseil secret de l' Opposition de la basse ville , opprimée par l' aristocratie de la ville haute . Le premier il fit apercevoir le danger de laisser les Cointet disposer à eux seuls de la presse dans le département de la Charente , où l' Opposition devait avoir un organe , afin de ne pas rester en arrière des autres villes .
" Que chacun de nous donne un billet de cinq cents francs à Gannerac , il aura vingt et quelques mille francs pour acheter l' imprimerie Séchard , dont nous serons alors les maîtres en en tenant le propriétaire par un prêt " , dit Petit - Claud .
L' avoué fit adopter cette idée , en vue de corroborer ainsi sa double position vis - à - vis de Cointet et de Séchard , et il jeta naturellement les yeux sur un drôle de l' encolure de Cérizet pour en faire l' homme dévoué du parti .
" Si tu peux découvrir ton ancien bourgeois et le mettre entre mes mains , dit - il à l' ancien prote de Séchard , on te prêtera vingt mille francs pour acheter son imprimerie , et probablement tu seras à la tête d' un journal . Ainsi , marche . "
Plus sûr de l' activité d' un homme comme Cérizet que de celle de tous les Doublon du monde , Petit - Claud avait alors promis au grand Cointet l' arrestation de Séchard . Mais depuis que Petit - Claud caressait l' espérance d' entrer dans la magistrature , il prévoyait la nécessité de tourner le dos aux Libéraux , et il avait si bien monté les esprits à l' Houmeau que les fonds nécessaires à l' acquisition de l' imprimerie étaient réalisés .
Petit - Claud résolut de laisser aller les choses à leur cours naturel .
" Bah ! se dit - il , Cérizet commettra quelque délit de presse , et j' en profiterai pour montrer mes talents ... "
Il alla vers la porte de l' imprimerie et dit à Kolb qui faisait sentinelle : " Monte avertir David de profiter de l' heure pour s' en aller , et prenez bien vos précautions ; je m' en vais , il est une heure ... "
Lorsque Kolb quitta le pas de la porte , Marion vint prendre sa place . Lucien et David descendirent , Kolb les précéda de cent pas en avant et Marion les suivit de cent pas en arrière . Quand les deux frères passèrent le long des planches , Lucien parlait avec chaleur à David .

ILLUSIONS PERDUES (V, provinc)
Page: 673