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Je t' embrasse comme une femme embrasse son mari malheureux . Notre petit Lucien va bien . Quel spectacle que celui de cette fleur qui se colore et grandit au milieu de nos tempêtes domestiques ! Ma mère , comme toujours , prie Dieu et t' embrasse presque aussi tendrement que
" TON EVE . "
Petit - Claud et les Cointet , effrayés de la ruse paysanne du vieux Séchard , s' en étaient , comme on voit , d' autant mieux débarrassés que ses vendanges le rappelaient à ses vignes de Marsac .
La lettre de Lucien , incluse dans celle d' Eve , était ainsi conçue :
" Mon cher David , tout va bien . Je suis armé de pied en cap , j' entre en campagne aujourd' hui , dans deux jours j' aurai fait bien du chemin . Avec quel plaisir je t' embrasserai quand tu seras libre et quitte de mes dettes ! Mais je suis blessé , pour la vie et au coeur , de la défiance que ma soeur et ma mère continuent à me témoigner .
Ne sais - je pas déjà que tu te caches chez Basine ? Toutes les fois que Basine vient à la maison , j' ai de tes nouvelles et la réponse à mes lettres .
Il est d' ailleurs évident que ma soeur ne pouvait compter que sur son amie d' atelier . Aujourd' hui je serai bien près de toi et cruellement marri de ne pas te faire assister à la fête que l' on me donne .
L' amour - propre d' Angoulême m' a valu un petit triomphe qui , dans quelques jours sera entièrement oublié , mais où ta joie aurait été la seule de sincère .
Enfin encore quelques jours , et tu pardonneras tout à celui qui compte pour plus que toutes les gloires du monde être
" Ton frère ,
" LUCIEN . "
David eut le coeur vivement tiraillé par ces deux forces , quoiqu' elles fussent inégales , car il adorait sa femme et son amitié pour Lucien s' était diminuée d' un peu d' estime . Mais dans la solitude la force des sentiments change entièrement .

ILLUSIONS PERDUES (V, provinc)
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