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Le duc pria Lucien d' accepter l' invitation à dîner que devait lui envoyer le ministre avec lequel il avait soupé chez Florine . Lucien fut en un moment séduit par les réflexions du gentilhomme , et charmé de voir s' ouvrir devant lui les portes des salons d' où il se croyait à jamais banni quelques mois auparavant . Il admira le pouvoir de la pensée . La Presse , l' Intelligence étaient donc le moyen de la société présente . Lucien comprit que peut - être Lousteau se repentait de lui avoir ouvert les portes du temple , il sentait déjà pour son propre compte la nécessité d' opposer des barrières difficiles à franchir aux ambitions de ceux qui s' élançaient de la province vers Paris .
Un poète serait venu vers lui comme il s' était jeté dans les bras d' Étienne , il n' osait se demander quel accueil il lui ferait .
Le jeune duc aperçut chez Lucien les traces d' une méditation profonde et ne se trompa point en en cherchant la cause : il avait découvert à cet ambitieux , sans volonté fixe , mais non sans désir , tout l' horizon politique comme les journalistes lui avaient montré du haut du Temple , ainsi que le démon à Jésus , le monde littéraire et ses richesses .
Lucien ignorait la petite conspiration ourdie contre lui par les gens que blessait en ce moment le journal , et dans laquelle M .
de Rhétoré trempait .
Le jeune duc avait effrayé la société de Mme d' Espard en leur parlant de l' esprit de Lucien . Chargé par Mme de Bargeton de sonder le journaliste , il avait espéré le rencontrer à l' Ambigu - Comique .
Ni le monde , ni les journalistes n' étaient profonds , ne croyez pas à des trahisons ourdies . Ni l' un ni les autres ils n' arrêtent de plan , leur machiavélisme va pour ainsi dire au jour le jour , et consiste à toujours être là , prêts à tout prêts à profiter du mal comme du bien , à épier les moments où la passion leur livre un homme .
Pendant le souper de Florine , le jeune duc avait reconnu le caractère de Lucien , il venait de le prendre par ses vanités , et s' essayait sur lui à devenir diplomate .
Lucien , la pièce jouée , courut à la rue Saint - Fiacre y faire son article sur la pièce .
Sa critique fut , par calcul , âpre et mordante ; il se plut à essayer son pouvoir . Le mélodrame valait mieux que celui du Panorama - Dramatique ; mais il voulait savoir s' il pouvait , comme on le lui avait dit tuer une bonne et faire réussir une mauvaise pièce .
Le lendemain , en déjeunant avec Coralie , il déplia le journal après lui avoir dit qu' il y éreintait l' Ambigu - Comique .

ILLUSIONS PERDUES (V, provinc)
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