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Après avoir interrogé la dame du comptoir , Lucien apprit que son ami futur était rédacteur d' un petit journal , où il faisait des articles sur les livres nouveaux , et rendait compte des pièces jouées à l' Ambigu - Comique , à la Gaîté , au Panorama - Dramatique .
Ce jeune homme devint tout à coup un personnage aux yeux de Lucien , qui compta bien engager la conversation avec lui d' une manière un peu plus intime et faire quelques sacrifices pour obtenir une amitié si nécessaire à un débutant .
Le journaliste resta quinze jours absent . Lucien ne savait pas encore qu' Étienne ne dînait chez Flicoteaux que quand il était sans argent , ce qui lui donnait cet air sombre et désenchanté , cette froideur à laquelle Lucien opposait de flatteurs sourires et de douces paroles .
Néanmoins cette liaison exigeait de mûres réflexions , car ce journaliste obscur paraissait mener une vie coûteuse , mélangée de petits verres , de tasses de café , de bols de punch , de spectacles et de soupers .
Or , pendant les premiers jours de son installation dans le quartier , la conduite de Lucien fut celle d' un pauvre enfant étourdi par sa première expérience de la vie parisienne .
Aussi , après avoir étudié le prix des consommations et soupesé sa bourse , Lucien n' osa - t - il pas prendre les allures d' Étienne , en craignant de recommencer les bévues dont il se repentait encore .
Toujours sous le joug des religions de la province , ses deux anges gardiens , Eve et David , se dressaient à la moindre pensée mauvaise , et lui rappelaient les espérances mises en lui , le bonheur dont il était comptable à sa vieille mère , et toutes les promesses de son génie .
Il passait ses matinées à la bibliothèque Sainte - Geneviève à étudier l' histoire .
Ses premières recherches lui avaient fait apercevoir d' effroyables erreurs dans son roman de L' Archer de Charles IX . La bibliothèque fermée , il venait dans sa chambre humide et froide corriger son ouvrage , y recoudre , y supprimer des chapitres entiers .
Après avoir dîné chez Flicoteaux , il descendait au passage du Commerce , lisait au cabinet littéraire de Blosse les oeuvres de la littérature contemporaine , les journaux , les recueils périodiques , les livres de poésie pour se mettre au courant du mouvement de l' intelligence , et regagnait son misérable hôtel vers minuit sans avoir usé de bois ni de lumière .

ILLUSIONS PERDUES (V, provinc)
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