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du Châtelet auprès de l' Altesse Impériale , sa réputation d' homme à bonnes fortunes , les événements singuliers de son voyage , ses souffrances , tout excita la curiosité des femmes d' Angoulême . Ayant appris les moeurs de la haute ville , M . le baron Sixte du Châtelet se conduisit en conséquence . Il fit le malade , joua l' homme dégoûté , blasé .
à tout propos , il se prit la tête comme si ses souffrances ne lui laissaient pas un moment de relâche , petite manoeuvre qui rappelait son voyage et le rendait intéressant . Il alla chez les autorités supérieures , le général , le Préfet , le receveur général et l' évêque ; mais il se montra partout poli , froid , légèrement dédaigneux comme les hommes qui ne sont pas à leur place et qui attendent les faveurs du pouvoir .
Il laissa deviner ses talents de société , qui gagnèrent à ne pas être connus ; puis , après s' être fait désirer , sans avoir lassé la curiosité , après avoir reconnu la nullité des hommes et savamment examiné les femmes pendant plusieurs dimanches à la cathédrale , il reconnut en Mme de Bargeton la personne dont l' intimité lui convenait .
Il compta sur la musique pour s' ouvrir les portes de cet hôtel impénétrable aux étrangers .
Il se procura secrètement une messe de Miroir , l' étudia au piano ; puis , un beau dimanche où toute la société d' Angoulême était à la messe , il extasia les ignorants en touchant l' orgue , et réveilla l' intérêt qui s' était attaché à sa personne en faisant indiscrètement circuler son nom par les gens du bas clergé .
Au sortir de l' église , Mme de Bargeton le complimenta , regretta de ne pas avoir l' occasion de faire de la musique avec lui ; pendant cette rencontre cherchée , il se fit naturellement offrir le passeport qu' il n' eût pas obtenu s' il l' eût demandé .
L' adroit baron vint chez la reine d' Angoulême , à laquelle il rendit des soins compromettants .
Ce vieux beau , car il avait quarante - cinq ans , reconnut dans cette femme toute une jeunesse à ranimer , des trésors à faire valoir , peut - être une veuve riche en espérances à épouser , enfin une alliance avec la famille des Nègrepelisse , qui lui permettrait d' aborder à Paris la marquise d' Espard , dont le crédit pouvait lui rouvrir la carrière politique .
Malgré le gui sombre et luxuriant qui gâtait ce bel arbre , il résolut de s' y attacher , de l' émonder , de le cultiver , d' en obtenir de beaux fruits .

ILLUSIONS PERDUES (V, provinc)
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