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Faute de rapporter aux autres les petits sacrifices exigés par le maintien et la toilette , on perd l' habitude de se gêner pour autrui . Tout en nous se vicie alors , la forme et l' esprit . N' étant pas réprimée par le commerce de la société , la hardiesse des idées de Mlle de Nègrepelisse passa dans ses manières , dans son regard ; elle eut cet air cavalier qui paraît au premier abord original , mais qui ne sied qu' aux femmes de vie aventureuse .
Ainsi cette éducation , dont les aspérités se seraient polies dans les hautes régions sociales , devait la rendre ridicule à Angoulême , alors que ses adorateurs cesseraient de diviniser des erreurs , gracieuses pendant la jeunesse seulement .
Quant à M . de Nègrepelisse , il aurait donné tous les livres de sa fille pour sauver un boeuf malade , car il était si avare qu' il ne lui aurait pas accordé deux liards au - delà du revenu auquel elle avait droit , quand même il eût été question de lui acheter la bagatelle la plus nécessaire à son éducation .
L' abbé mourut en 1802 avant le mariage de sa chère enfant , mariage qu' il aurait sans doute déconseillé .
Le vieux gentilhomme se trouva bien empêché de sa fille quand l' abbé fut mort .
Il se sentit trop faible pour soutenir la lutte qui allait éclater entre son avarice et l' esprit indépendant de sa fille inoccupée . Comme toutes les jeunes personnes sorties de la route tracée où doivent cheminer les femmes , Naïs avait jugé le mariage et s' en souciait peu .
Elle répugnait à soumettre son intelligence et sa personne aux hommes sans valeur et sans grandeur personnelle qu' elle avait pu rencontrer .
Elle voulait commander , et devait obéir . Entre obéir à des caprices grossiers , à des esprits sans indulgence pour ses goûts , et s' enfuir avec un amant qui lui plairait , elle n' aurait pas hésité .
M . de Nègrepelisse était encore assez gentilhomme pour craindre une mésalliance . Comme beaucoup de pères , il se résolut à marier sa fille , moins pour elle que pour sa propre tranquillité .
Il lui fallait un noble ou un gentilhomme peu spirituel , incapable de chicaner sur le compte de tutelle qu' il voulait rendre à sa fille , assez nul d' esprit et de volonté pour que Naïs pût se conduire à sa fantaisie , assez désintéressé pour l' épouser sans dot .
Mais comment trouver un gendre qui convînt également au père et à la fille ? Un pareil homme était le phénix des gendres . Dans ce double intérêt , M .

ILLUSIONS PERDUES (V, provinc)
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