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Ils avaient cette vive coloration , cette fraîcheur de regard , cette transparence dans la chair qui dénonce des moeurs pures , l' exactitude dans le régime , la régularité des travaux et des       amusements . Tous deux avaient des cheveux noirs et des yeux bleus , le nez tordu comme celui de leur père , mais peut - être leur mère leur avait - elle transmis cette dignité du parler , du regard et de la contenance , héréditaire chez les Blamont - Chauvry . 
Leur voix fraîche comme le cristal possédait le don d' émouvoir et cette mollesse qui exerce de si grandes séductions ; enfin , ils avaient la voix qu' une femme aurait voulu entendre après avoir reçu la flamme de leurs regards . 
Ils conservaient surtout la modestie de leur fierté , une chaste réserve , un noli me tangere , qui , plus tard , aurait pu paraître un effet du calcul , tant cette contenance inspirait l' envie de les connaître . 
L' aîné , le comte Clément de Nègrepelisse , entrait dans sa seizième année . Depuis deux ans il avait quitté la jolie petite veste anglaise que conservait encore son frère , le vicomte Camille d' Espard . 
Le comte , qui depuis environ six mois n' allait plus au collège Henri IV , était vêtu comme un jeune homme adonné aux premiers bonheurs que procure l' élégance . 
Son père n' avait pas voulu lui faire faire inutilement une année de philosophie , il tâchait de donner à ses connaissances une sorte de lien par l' étude des mathématiques transcendantes . 
En même temps le marquis lui apprenait les langues orientales , le droit diplomatique de l' Europe , le blason , et l' histoire aux grandes sources , l' histoire dans les chartes , dans les pièces authentiques dans les recueils d' ordonnances . 
Camille était entré récemment en Rhétorique . 
 Le jour où Popinot se proposa de venir interroger M . d' Espard fut un jeudi , jour de congé . Avant que leur père ne s' éveillât , sur les neuf heures , les deux frères jouaient dans le jardin . Clément se défendait mal contre les instances de son frère qui désirait aller au tir pour la première fois , et qui lui demandait d' appuyer sa demande auprès du marquis . 
Le vicomte abusait toujours un peu de sa faiblesse , et prenait souvent plaisir à lutter avec son frère . 
Tous deux se mirent donc à se quereller et à se battre en jouant comme des écoliers . En courant dans le jardin , l' un après l' autre , ils firent assez de bruit pour éveiller leur père , qui se mit à sa fenêtre , sans être aperçu par eux , grâce à la chaleur du combat . 
 
INTERDICTION         (III, privé)
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