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Ce rude système a , dit - on , été poussé jusqu' à l' emploi de la glace au lieu d' eau et jusqu' aux aliments froids par une illustre Polonaise qui , de nos jours , allie une vie déjà séculaire aux occupations , aux moeurs de la petite - maîtresse . Destinée à vivre autant que vécut Marion de Lorme , à laquelle des biographes accordent cent trente ans , l' ancienne vice - reine de la Pologne montre , à près de cent ans , un esprit et un coeur jeunes , une gracieuse figure , une taille charmante ; elle peut dans sa conversation où les mots pétillent comme les sarments au feu comparer les hommes et les livres de la littérature actuelle aux hommes et aux livres du dix - huitième siècle .
De Varsovie , elle commande ses bonnets chez Herbault .
Grande dame , elle a le dévouement d' une petite fille ; elle nage , elle court comme un lycéen , et sait se jeter sur une causeuse aussi gracieusement qu' une jeune coquette ; elle insulte la mort et se rit de la vie .
Après avoir étonné jadis l' empereur Alexandre , elle peut aujourd' hui surprendre l' empereur Nicolas par la magnificence de ses fêtes .
Elle fait encore verser des larmes à quelque jeune homme épris , car elle a l' âge qu' il lui plaît d' avoir , et les dévouements ineffables d' une grisette .
Enfin , elle est un véritable conte de fées , si toutefois elle n' est pas la fée du conte . Mme d' Espard avait - elle connu Mme Zayonscek ? voulait - elle la recommencer ? Quoi qu' il en soit , la marquise prouvait la bonté de ce régime , son teint était pur , son front n' avait point de rides , son corps gardait , comme celui de la bien - aimée de Henri II , la souplesse , la fraîcheur , attraits cachés qui ramènent et fixent l' amour auprès d' une femme .
Les précautions si simples de ce régime indiqué par l' art , par la nature peut - être aussi par l' expérience , trouvaient d' ailleurs en elle un système général qui les corroborait .
La marquise était douée d' une profonde indifférence pour tout ce qui n' était pas elle ; les hommes l' amusaient , mais aucun d' eux ne lui avait causé ces grandes excitations qui remuent profondément les deux natures et brisent l' une par l' autre .
Elle n' avait ni haine ni amour .
Offensée , elle se vengeait froidement et tranquillement , à son aise , en attendant l' occasion de satisfaire la mauvaise pensée qu' elle conservait sur quiconque s' était mal posé dans son souvenir .
Elle ne se remuait pas , ne s' agitait point ; elle parlait , car elle savait qu' en disant deux mots une femme peut faire tuer trois hommes .
INTERDICTION (III, privé)
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