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Et vous accepteriez cette alternative ? lui dis - je . Allons , me répondit - il , j' ai chez moi , pour pouvoir attendre jusqu' à demain soir , une dose d' opium que Desplein m' a préparée afin de me faire dormir sans danger ! " Le lendemain , à midi , la Gobain m' apporta une lettre , en me disant que la comtesse , épuisée de fatigue , s' était couchée à six heures et que , grâce à un amandé préparé par le pharmacien , elle dormait .
" Voici cette lettre , j' en ai gardé une copie , car , mademoiselle , dit le consul en s' adressant à Camille Maupin , vous connaissez les ressources de l' art , les ruses du style et les efforts de beaucoup d' écrivains qui ne manquent pas d' habileté dans leurs compositions ; mais vous reconnaîtrez que la littérature ne saurait trouver de tels écrits dans ses entrailles postiches ! Il n' y a rien de terrible comme le vrai .
Voilà ce qu' écrivit cette femme , ou plutôt cette douleur :
" " Monsieur Maurice ,
" " Je sais tout ce que votre oncle pourrait me dire , il n' est pas plus instruit que ma conscience . La conscience est chez l' homme le truchement de Dieu . Je sais que si je ne me réconcilie pas avec Octave je serai damnée : tel est l' arrêt de la loi religieuse .
La loi civile m' ordonne l' obéissance quand même . Si mon mari ne me repousse pas , tout est dit , le monde me tient pour pure , pour vertueuse , quoi que j' aie fait .
Oui , le mariage a cela de sublime que la Société ratifie le pardon du mari ; mais elle a oublié qu' il faut que le pardon soit accepté . Légalement , religieusement , mondainement , je dois revenir à Octave .
à ne nous en tenir qu' à la question humaine , n' y a - t - il pas quelque chose de cruel à lui refuser le bonheur , à le priver d' enfants , à effacer sa famille du livre d' or de la pairie ? Mes douleurs , mes répugnances , mes sentiments , tout mon égoïsme ( car je me sais égoïste ) doit être immolé à la famille .
Je serai mère , les caresses de mes enfants essuieront bien des pleurs ! Je serai bien heureuse , je serai certainement honorée , je passerai fière , opulente , dans un brillant équipage ! J' aurai des gens , un hôtel , une maison , je serai la reine d' autant de fêtes qu' il y a de semaines dans l' année .
Le monde m' accueillera bien .
Enfin je ne remonterai pas dans le ciel du Patriciat , je n' en serai pas même descendue . Ainsi Dieu , la Loi , la Société , tout est d' accord . Contre quoi vous mutinez - vous ? me dit - on du haut du Ciel , de la Chaire , du Tribunal et du Trône dont l' auguste intervention serait au besoin invoquée par le comte .

HONORINE (II, privé)
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