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Ah ! c' est à fuir d' ici , comme je me suis en allée de ma maison . Pour aller où ? dis - je . Une femme peut - elle exister sans protecteur ? Est - ce à trente ans , dans toute la gloire de la beauté , riche de forces que vous ne soupçonnez pas , pleine de tendresses à donner , que vous irez vivre au désert où je puis vous cacher ? ... Soyez en paix . Le comte , qui en cinq ans ne s' est pas fait apercevoir ici , n' y pénétrera jamais que de votre consentement .
Vous avez sa sublime vie pendant neuf ans pour garantie de votre tranquillité . Vous pouvez donc délibérer en toute sécurité , sur votre avenir , avec mon oncle et moi .
Mon oncle est aussi puissant qu' un ministre d' État . Calmez - vous donc , ne grossissez pas votre malheur . Un prêtre dont la tête a blanchi dans l' exercice du sacerdoce n' est pas un enfant , vous serez comprise par celui à qui toutes les passions se sont confiées depuis cinquante ans bientôt et qui pèse dans ses mains le coeur si pesant des rois et des princes .
S' il est sévère sous l' étole , mon oncle sera devant vos fleurs aussi doux qu' elles , et indulgent comme son divin maître .
" Je quittai la comtesse à minuit , et la laissai calme en apparence , mais sombre , et dans des dispositions secrètes qu' aucune perspicacité ne pouvait deviner .
Je trouvai le comte à quelques pas , dans la rue Saint - Maur , car il avait quitté l' endroit convenu sur le boulevard , attiré vers moi par une force invincible .
" Quelle nuit la pauvre enfant va passer ? s' écria - t - il quand j' eus fini de lui raconter la scène qui venait d' avoir lieu . Si j' y allais , dit - il , si tout à coup elle me voyait ! En ce moment , elle est femme à se jeter par la fenêtre , lui répondis - je .
La comtesse est de ces Lucrèces qui ne survivent pas à un viol , même quand il vient d' un homme à qui elles se donneraient .
Vous êtes jeune , me répondit - il . Vous ne savez pas que la volonté , dans une âme agitée par de si cruelles délibérations , est comme le flot d' un lac où se passe une tempête , le vent change à toute minute , et le courant est tantôt à une rive , tantôt à une autre .
Pendant cette nuit , il y a tout autant de chances pour qu' à ma vue Honorine se jette dans mes bras , que pour la voir sauter par la fenêtre .

HONORINE (II, privé)
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