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Si vous ne recevez personne , je ne suis visité que par mon oncle , le curé des Blancs - Manteaux . Non , dit - elle , je ne veux donner à personne le droit d' entrer dans mon jardin , chez moi , à toute heure . Venez - y , vous serez toujours reçu , comme un voisin avec qui je veux vivre en bonnes relations ; mais j' aime trop ma solitude pour la grever d' une dépendance quelconque .
Comme vous voudrez ! " dis - je . Et je sautai d' un bond par - dessus le palis . " à quoi sert une porte ? " m' écriai - je quand je fus sur mon terrain en revenant à la comtesse et la narguant par un geste , par une grimace de fou .
Je restai quinze jours sans paraître penser à ma voisine . Vers la fin du mois de mai , par une belle soirée , il se trouva que nous étions chacun d' un côté du palis , nous promenant à pas lents .
Arrivés au bout , il fallut bien échanger quelques paroles de politesse ; elle me trouva si profondément accablé , plongé dans une rêverie si douloureuse , qu' elle me parla d' espérance en me jetant des phrases qui ressemblaient à ces chants par lesquels les nourrices endorment les enfants .
Enfin je franchis la haie , et me trouvai pour la seconde fois près d' elle .
La comtesse me fit entrer chez elle en voulant apprivoiser ma douleur . Je pénétrai donc enfin dans ce sanctuaire où tout était en harmonie avec la femme que j' ai tâché de vous dépeindre .
Il y régnait une exquise simplicité . à l' intérieur , ce pavillon était bien la bonbonnière inventée par l' art du dix - huitième siècle pour les jolies débauches d' un grand seigneur .
La salle à manger , sise au rez - de - chaussée , était couverte de peintures à fresque représentant des treillages de fleurs d' une admirable et merveilleuse exécution . La cage de l' escalier offrait de charmantes décorations en camaïeu .
Le petit salon , qui faisait face à la salle à manger , était prodigieusement dégradé ; mais la comtesse y avait tendu des tapisseries pleines de fantaisies et provenant d' anciens paravents .
Une salle de bain y attenait . Au - dessus , il n' y avait qu' une chambre avec son cabinet de toilette et une bibliothèque métamorphosée en atelier . La cuisine était cachée dans les caves sur lesquelles le pavillon s' élevait , car il fallait y monter par un perron de quelques marches .
Les balustres de la galerie et ses guirlandes de fleurs pompadour déguisaient la toiture , dont on ne voyait que les bouquets de plomb .

HONORINE (II, privé)
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