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Ah ! Maurice , un amour sans discernement est , chez un mari , une faute qui peut préparer tous les crimes d' une femme ! J' avais probablement laissé sans emploi les forces de cette enfant , chérie comme une enfant ; je l' ai peut - être fatiguée de mon amour avant que l' heure de l' amour eût sonné pour elle ! Trop jeune pour entrevoir le dévouement de la mère dans la confiance de la femme , elle a pris cette première épreuve du mariage pour la vie elle - même , et l' enfant mutin a maudit la vie à mon insu , n' osant se plaindre à moi , par pudeur peut - être ! Dans une situation si cruelle , elle se sera trouvée sans défense contre un homme qui l' aura violemment émue .
Et moi , si sagace magistrat , dit - on , moi dont le coeur est bon mais dont l' esprit était occupé , j' ai deviné trop tard ces lois du code féminin méconnues , je les ai lues à la clarté de l' incendie qui dévorait mon toit .
J' ai fait alors de mon coeur un tribunal , en vertu de la loi ; car la loi constitue un juge dans un mari : j' ai absous ma femme et je me suis condamné .
Mais l' amour prit alors chez moi la forme de la passion , de cette passion lâche et absolue qui saisit certains vieillards .
Aujourd' hui , j' aime Honorine absente , comme on aime , à soixante ans , une femme qu' on veut avoir à tout prix , et je me sens la force d' un jeune homme .
J' ai l' audace du vieillard et la retenue de l' adolescent .
Mon ami , la Société n' a que des railleries pour cette affreuse situation conjugale . Là où elle s' apitoie avec un amant , elle voit dans un mari je ne sais quelle impuissance , elle se rit de ceux qui ne savent pas conserver une femme qu' ils ont acquise sous le poêle de l' Église et par - devant l' écharpe du maire .
Et il a fallu me taire ! Sérizy est heureux .
Il doit à son indulgence le plaisir de voir sa femme , il la protège , il la défend ; et , comme il l' adore , il connaît les jouissances excessives du bienfaiteur qui ne s' inquiète de rien , pas même du ridicule , car il en baptise ses paternelles jouissances .
' Je ne reste marié qu' à cause de ma femme ! ' me disait un jour Sérizy en sortant du Conseil . Mais moi ! ... moi , je n' ai rien , pas même le ridicule à affronter , moi qui ne me soutiens que par un amour sans aliment ! moi qui ne trouve pas un mot à dire à une femme du monde ! moi que la Prostitution repousse ! moi , fidèle par incantation ! Sans ma foi religieuse , je me serais tué .
J' ai défié l' abîme du travail , je m' y suis plongé , j' en suis sorti vivant , brûlant , ardent , ayant perdu le sommeil ! ...

HONORINE (II, privé)
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