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Ce petit préambule a pour but de rappeler à ceux des Français qui ont voyagé le plaisir excessif qu' ils ont éprouvé quand , parfois , ils ont retrouvé toute la patrie , une oasis dans le salon de quelque diplomate ; plaisir que comprendront difficilement ceux qui n' ont jamais quitté l' asphalte du boulevard des Italiens , et pour qui la ligne des quais , rive gauche , n' est déjà plus Paris .
Retrouver Paris ! savez - vous ce que c' est , ô Parisiens ? C' est retrouver , non pas la cuisine du Rocher de Cancale , comme Borel la soigne pour les gourmets qui savent l' apprécier , car elle ne se fait que rue Montorgueil , mais un service qui la rappelle ! C' est retrouver les vins de France qui sont à l' état mythologique hors de France , et rares comme la femme dont il sera question ici ! C' est retrouver non pas la plaisanterie à la mode , car de Paris à la frontière elle s' évente ; mais ce milieu spirituel compréhensif , critique , où vivent les Français , depuis le poète jusqu' à l' ouvrier , depuis la duchesse jusqu' au gamin .
En 1836 , pendant le séjour de la cour de Sardaigne à Gênes , deux Parisiens , plus ou moins célèbres , purent encore se croire à Paris , en se trouvant dans un palais loué par le consul général de France , sur la colline , dernier pli que fait l' Apennin entre la porte Saint - Thomas et cette fameuse lanterne qui , dans les keepsakes , orne toutes les vues de Gênes .
Ce palais est une de ces fameuses villas où les nobles génois ont dépensé des millions au temps de la puissance de cette république aristocratique .
Si la demi - nuit est belle quelque part , c' est assurément à Gênes , quand il a plu comme il y pleut , à torrents , pendant toute la matinée , quand la pureté de la mer lutte avec la pureté du ciel ; quand le silence règne sur le quai et dans les bosquets de cette villa , dans ses marbres à bouches béantes d' où l' eau coule avec mystère ; quand les étoiles brillent , quand les flots de la Méditerranée se suivent comme les aveux d' une femme à qui vous les arrachez parole à parole .
Avouons - le : cet instant où l' air embaumé parfume les poumons et les rêveries , où la volupté , visible et mobile comme l' atmosphère , vous saisit sur vos fauteuils , alors qu' une cuiller à la main vous effilez des glaces ou des sorbets , une ville à vos pieds , de belles femmes devant vous , ces heures à la Boccace ne se trouvent qu' en Italie et aux bords de la Méditerranée .

HONORINE (II, privé)
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