----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----
Six jours après , je partis avec ma nomination de vice - consul en Espagne , dans une grande ville commerçante où je pouvais en peu de temps me mettre en état de parcourir la carrière consulaire , à laquelle je bornai mon ambition . Après mon installation , je reçus cette lettre du comte .
" " Mon cher Maurice , si j' étais heureux je ne vous écrirais point , mais j' ai recommencé une autre vie de douleur : je suis redevenu jeune par le désir , avec toutes les impatiences d' un homme qui passe quarante ans avec la sagesse du diplomate qui sait modérer sa passion .
Quand vous êtes parti , je n' étais pas encore admis dans le pavillon de la rue Saint - Maur ; mais une lettre m' avait promis la permission d' y venir , la lettre douce et mélancolique d' une femme qui redoutait les émotions d' une entrevue .
Après avoir attendu plus d' un mois , je hasardai de me présenter , en faisant demander par la Gobain si je pouvais être reçu .
Je m' assis sur une chaise , dans l' avenue auprès de la loge , la tête dans les mains , et je restai là près d' une heure . ' Madame a voulu s' habiller ' , me dit la Gobain afin de cacher sous une coquetterie honorable pour moi les irrésolutions d' Honorine .
Pendant un gros quart d' heure , nous avons été l' un et l' autre affectés d' un tremblement nerveux involontaire aussi fort que celui qui saisit les orateurs à la tribune , et nous nous adressâmes des phrases effarées comme celles de gens surpris qui simulent une conversation .
' Tenez , Honorine , lui dis - je les yeux pleins de larmes , la glace est rompue , et je suis si tremblant de bonheur que vous devez me pardonner l' incohérence de mon langage .
Ce sera pendant longtemps ainsi . Il n' y a pas de crime à être amoureux de sa femme , me répondit - elle en souriant forcément .
Accordez - moi la grâce de ne plus travailler comme vous l' avez fait . Je sais par Mme Gobain que vous vivez depuis vingt jours de vos économies , vous avez soixante mille francs de rentes à vous , et si vous ne me rendez pas votre coeur , au moins ne me laissez pas votre fortune ! Il y a longtemps , me dit - elle , que je connais votre bonté ... S' il vous plaisait de rester ici , lui répondis - je , et de garder votre indépendance ; si le plus ardent amour ne trouve pas grâce à vos yeux , ne travaillez plus ... ' Je lui tendis trois inscriptions de chacune douze mille francs de rentes ; elle les prit , les ouvrit avec indifférence , et après les avoir lues , Maurice , elle ne me jeta qu' un regard pour toute réponse .
HONORINE (II, privé)
Page: 590