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- Impossible . Il faut le laisser là , lui éviter tout mouvement physique et toute émotion ...
- Mon bon Bianchon , dit Eugène , nous le soignerons à nous deux .
- J' ai déjà fait venir le médecin en chef de mon hôpital .
- Eh bien ?
- Il prononcera demain soir . Il m' a promis de venir après sa journée . Malheureusement ce fichu bonhomme a commis ce matin une imprudence sur laquelle il ne veut pas s' expliquer . Il est entêté comme une mule .
Quand je lui parle , il fait semblant de ne pas entendre , et dort pour ne pas me répondre ; ou bien , s' il a les yeux ouverts , il se met à geindre . Il est sorti vers le matin , il a été à pied dans Paris , on ne sait où .
Il a emporté tout ce qu' il possédait de vaillant , il a été faire quelque sacré trafic pour lequel il a outrepassé ses forces ! Une de ses filles est venue .
- La comtesse ? dit Eugène . Une grande brune , l' oeil vif et bien coupé , joli pied , taille souple ?
- Oui .
- Laisse - moi seul un moment avec lui , dit Rastignac . Je vais le confesser , il me dira tout , à moi .
- Je vais aller dîner pendant ce temps - là . Seulement tâche de ne pas trop l' agiter ; nous avons encore quelque espoir .
- Sois tranquille .
- Elles s' amuseront bien demain , dit le père Goriot à Eugène quand ils furent seuls . Elles vont à un grand bal .
- Qu' avez - vous donc fait ce matin , papa pour être si souffrant ce soir qu' il vous faille rester au lit ?
- Rien .
- Anastasie est venue ? demanda Rastignac .
- Oui , répondit le père Goriot .
- Eh bien , ne me cachez rien . Que vous a - t - elle encore demandé ?
- Ah ! reprit - il en rassemblant ses forces pour parler , elle était bien malheureuse , allez , mon enfant ! Nasie n' a pas un sou depuis l' affaire des diamants . Elle avait commandé , pour ce bal , une robe lamée qui doit lui aller comme un bijou .

LE PERE GORIOT (III, privé)
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