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" Ah ! mon père , vous a - t - on parlé d' Anastasie ? dit Delphine en reconnaissant la voix de sa soeur . Il paraîtrait qu' il lui arrive aussi de singulières choses dans son ménage .
- Quoi donc ! dit le père Goriot : ce serait donc ma fin . Ma pauvre tête ne tiendra pas à un double malheur .
- Bonjour , mon père , dit la comtesse en entrant . Ah ! te voilà , Delphine . "
Mme de Restaud parut embarrassée de rencontrer sa soeur .
" Bonjour , Nasie , dit la baronne . Trouves - tu donc ma présence extraordinaire ? Je vois mon père tous les jours , moi .
- Depuis quand ?
- Si tu y venais , tu le saurais .
- Ne me taquine pas , Delphine , dit la comtesse d' une voix lamentable . Je suis bien malheureuse , je suis perdue , mon pauvre père ! oh ! bien perdue cette fois !
- Qu' as - tu , Nasie ? cria le père Goriot . Dis - nous tout , mon enfant . Elle pâlit . Delphine , allons , secours - la donc , sois bonne pour elle , je t' aimerai encore mieux , si je peux , toi !
- Ma pauvre Nasie , dit Mme de Nucingen en asseyant sa soeur , parle . Tu vois en nous les deux seules personnes qui t' aimeront toujours assez pour te pardonner tout . Vois - tu , les affections de famille sont les plus sûres . " Elle lui fit respirer des sels , et la comtesse revint à elle .
" J' en mourrai , dit le père Goriot . Voyons , reprit - il en remuant son feu de mottes , approchez - vous toutes les deux . J' ai froid . Qu' as - tu , Nasie ? dis vite , tu me tues ...
- Eh bien , dit la pauvre femme , mon mari sait tout . Figurez - vous , mon père , il y a quelque temps , vous souvenez - vous de cette lettre de change de Maxime ? Eh bien , ce n' était pas la première . J' en avais déjà payé beaucoup .
Vers le commencement de janvier , M . de Trailles me paraissait bien chagrin . Il ne me disait rien ; mais il est si facile de lire dans le coeur des gens qu' on aime , un rien suffit : puis il y a des pressentiments .
Enfin il était plus aimant , plus tendre que je ne l' avais jamais vu , j' étais toujours plus heureuse . Pauvre Maxime ! dans sa pensée , il me faisait ses adieux , m' a - t - il dit ; il voulait se brûler la cervelle .

LE PERE GORIOT (III, privé)
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