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La vieille hôtesse était là comme Marius sur les ruines de Carthage . Elle attendait les deux seuls pensionnaires qui lui restassent , en se désolant avec Sylvie . Quoique lord Byron ait prêté d' assez belles lamentations au Tasse , elles sont bien loin de la profonde vérité de celles qui échappaient à Mme Vauquer .
" Il n' y aura donc que trois tasses de café à faire demain matin , Sylvie . Hein ! ma maison déserte , n' est - ce pas à fendre le coeur ? Qu' est - ce que la vie sans mes pensionnaires ? Rien du tout . Voilà ma maison démeublée de ses hommes .
La vie est dans les meubles . Qu' ai - je fait au ciel pour m' être attiré tous ces désastres ? Nos provisions de haricots et de pommes de terre sont faites pour vingt personnes .
La police chez moi ! Nous allons donc ne manger que des pommes de terre ! Je renverrai donc Christophe ! "
Le Savoyard , qui dormait , se réveilla soudain et dit : " Madame ?
- Pauvre garçon ! c' est comme un dogue , dit Sylvie .
- Une saison morte , chacun s' est casé . D' où me tombera - t - il des pensionnaires ? J' en perdrai la tête . Et cette sibylle de Michonneau qui m' enlève Poiret ! Qu' est - ce qu' elle lui faisait donc pour s' être attaché cet homme - là , qui la suit comme un toutou ?
- Ah ! dame ! fit Sylvie en hochant la tête , ces vieilles filles , ça connaît les rubriques .
- Ce pauvre M . Vautrin dont ils ont fait un forçat , reprit la veuve , eh bien , Sylvie , c' est plus fort que moi , je ne le crois pas encore . Un homme gai comme ça , qui prenait du gloria pour quinze francs par mois , et qui payait rubis sur l' ongle !
- Et qui était généreux ! dit Christophe .
- Il y a erreur , dit Sylvie .

LE PERE GORIOT (III, privé)
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