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- Monsieur , répondit le comte avec une rare impudence en toisant le vieillard , mes affaires ne vous regardent pas . Qui a terme , ne doit rien . - Vrai ! - Mes lettres de change seront acquittées . - Possible ! - Et dans ce moment , la question entre nous se réduit à savoir si je vous présente des garanties suffisantes pour la somme que je viens vous emprunter .
- Juste . " Le bruit que faisait le fiacre en s' arrêtant à la porte retentit dans la chambre .
" Je vais aller chercher quelque chose qui vous satisfera peut - être , s' écria le jeune homme . - ô mon fils ! s' écria Gobseck en se levant et me tendant les bras , quand l' emprunteur eut disparu , s' il a de bons gages , tu me sauves la vie ! J' en serais mort .
Werbrust et Gigonnet ont cru me faire une farce . Grâce à toi , je vais bien rire ce soir à leurs dépens . " La joie du vieillard avait quelque chose d' effrayant .
Ce fut le seul moment d' expansion qu' il eut avec moi . Malgré la rapidité de cette joie , elle ne sortira jamais de mon souvenir . " Faites - moi le plaisir de rester ici , ajouta - t - il .
Quoique je sois armé , sûr de mon coup , comme un homme qui jadis a chassé le tigre , et fait sa partie sur un tillac quand il fallait vaincre ou mourir , je me défie de cet élégant coquin .
" Il alla se rasseoir sur un fauteuil , devant son bureau . Sa figure redevint blême et calme . " Oh , oh ! reprit - il en se tournant vers moi , vous allez sans doute voir la belle créature de qui je vous ai parlé jadis , j' entends dans le corridor un pas aristocratique .
" En effet le jeune homme revint en donnant la main a une femme en qui je reconnus cette comtesse dont le lever m' avait autrefois été dépeint par Gobseck , l' une des deux filles du bonhomme Goriot .
La comtesse ne me vit pas d' abord , je me tenais dans l' embrasure de la fenêtre , le visage à la vitre . En entrant dans la chambre humide et sombre de l' usurier , elle jeta un regard de défiance sur Maxime .
Elle était si belle que , malgré ses fautes , je la plaignis . Quelque terrible angoisse agitait son coeur , ses traits nobles et fiers avaient une expression convulsive , mal déguisée .
Ce jeune homme était devenu pour elle un mauvais génie . J' admirai Gobseck , qui , quatre ans plus tôt , avait compris la destinée de ces deux êtres sur une première lettre de change .

GOBSECK (II, privé)
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