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" Ernest sortit , et vit sa mère debout dans le salon . " Ernest , lui dit - elle , viens ici . " Elle s' assit en prenant son fils entre ses deux genoux , et le pressant avec force sur son coeur , elle l' embrassa . " Ernest , ton père vient de te parler . - Oui , maman . - Que t' a - t - il dit ? - Je ne puis pas le répéter , maman . - Oh ! mon cher enfant , s' écria la comtesse en l' embrassant avec enthousiasme , combien de plaisir me fait ta discrétion ! Ne jamais mentir et rester fidèle à sa parole sont deux principes qu' il ne faut jamais oublier .
- Oh ! que tu es belle , maman ! Tu n' as jamais menti , toi ! j' en suis bien sûr .
- Quelquefois , mon cher Ernest , j' ai menti . Oui , j' ai manqué à ma parole en des circonstances devant lesquelles cèdent toutes les lois .
Écoute , mon Ernest , tu es assez grand , assez raisonnable pour t' apercevoir que ton père me repousse , ne veut pas de mes soins , et cela n' est pas naturel , car tu sais combien je l' aime .
- Oui , maman . - Mon pauvre enfant , dit la comtesse en pleurant , ce malheur est le résultat d' insinuations perfides . De méchantes gens ont cherché à me séparer de ton père , dans le but de satisfaire leur avidité .
Ils veulent nous priver de notre fortune et se l' approprier . Si ton père était bien portant , la division qui existe entre nous cesserait bientôt , il m' écouterait ; et comme il est bon , aimant , il reconnaîtrait son erreur ; mais sa raison s' est altérée , et les préventions qu' il avait contre moi sont devenues une idée fixe , une espèce de folie , l' effet de sa maladie .
La prédilection que ton père a pour toi est une nouvelle preuve de dérangement de ses facultés .
Tu ne t' es jamais aperçu qu' avant sa maladie il aimât moins Pauline et Georges que toi . Tout est caprice chez lui . La tendresse qu' il te porte pourrait lui suggérer l' idée de te donner des ordres à exécuter .
Si tu ne veux pas ruiner ta famille , mon cher ange , et ne pas voir ta mère mendiant son pain un jour comme une pauvresse , il faut tout lui dire ... - Ah ! ah ! " s' écria le comte , qui , ayant ouvert la porte , se montra tout à coup presque nu , déjà même aussi sec , aussi décharné qu' un squelette .
Ce cri sourd produisit un effet terrible sur la comtesse , qui resta immobile et comme frappée de stupeur .
Son mari était si frêle et si pâle , qu' il semblait sortir de la tombe . " Vous avez abreuvé ma vie de chagrins , et vous voulez troubler ma mort , pervertir la raison de mon fils , en faire un homme vicieux " , cria - t - il d' une voix rauque .

GOBSECK (II, privé)
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