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Je causai pendant un moment de choses indifférentes afin de pouvoir observer la comtesse ; mais , comme toutes les femmes qui se sont fait un plan , elle savait dissimuler avec cette rare perfection qui , chez les personnes de votre sexe , est le dernier degré de la perfidie . Oserai - je le dire , j' appréhendais tout d' elle , même un crime .
Ce sentiment provenait d' une vue de l' avenir qui se révélait dans ses gestes , dans ses regards , dans ses manières , et jusque dans les intonations de sa voix . Je la quittai .
Maintenant je vais vous raconter les scènes qui terminent cette aventure , en y joignant les circonstances que le temps m' a révélées , et les détails que la perspicacité de Gobseck ou la mienne m' ont fait deviner .
Du moment où le comte de Restaud parut se plonger dans un tourbillon de plaisirs , et vouloir dissiper sa fortune , il se passa entre les deux époux des scènes dont le secret a été impénétrable et qui permirent au comte de juger sa femme encore plus défavorablement qu' il ne l' avait fait jusqu' alors .
Aussitôt qu' il tomba malade , et qu' il fut obligé de s' aliter , se manifesta son aversion pour la comtesse et pour ses deux derniers enfants ; il leur interdit l' entrée de sa chambre , et quand ils essayèrent d' éluder cette consigne , leur désobéissance amena des crises si dangereuses pour M .
de Restaud , que le médecin conjura la comtesse de ne pas enfreindre l' ordre de son mari .
Mme de Restaud ayant vu successivement les terres , les propriétés de la famille , et même l' hôtel où elle demeurait , passer entre les mains de Gobseck qui semblait réaliser , quant à leur fortune , le personnage fantastique d' un ogre , comprit sans doute les desseins de son mari .
M . de Trailles , un peu trop vivement poursuivi par ses créanciers , voyageait alors en Angleterre .
Lui seul aurait pu apprendre à la comtesse les précautions secrètes que Gobseck avait suggérées à M . de Restaud contre elle . On dit qu' elle résista longtemps à donner sa signature , indispensable aux termes de nos lois pour valider la vente des biens , et néanmoins le comte l' obtint .
La comtesse croyait que son mari capitalisait sa fortune , et que le petit volume de billets qui la représentait serait dans une cachette , chez un notaire , ou peut - être à la Banque .
Suivant ses calculs , M . de Restaud devait posséder nécessairement un acte quelconque pour donner à son fils aîné la facilité de recouvrer ceux de ses biens auxquels il tenait .
GOBSECK (II, privé)
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