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Mme de Grandlieu , rentrée en France avec la famille royale , était venue habiter Paris , où elle n' avait d' abord vécu que de secours accordés par Louis XVIII sur les fonds de la Liste civile , situation insupportable . L' avoué eut l' occasion de découvrir quelques vices de forme dans la vente que la république avait jadis faite de l' hôtel de Grandlieu , et prétendit qu' il devait être restitué à la vicomtesse .
Il entreprit ce procès moyennant un forfait , et le gagna . Encouragé par ce succès , il chicana si bien je ne sais quel hospice , qu' il en obtint la restitution de la forêt de Liceney .
Puis , il fit encore recouvrer quelques actions sur le cal d' Orléans , et certains immeubles assez importants que l' Empereur avait donnés en dot à des établissements publics . Ainsi rétablie par l' habileté du jeune avoué , la fortune de Mme de Grandlieu s' était élevée à un revenu de soixante mille francs environ , lors de la loi sur l' indemnité qui lui avait rendu des sommes énormes .
Homme de haute probité , savant , modeste et de bonne compagnie , cet avoué devint alors l' ami de la famille .
Quoique sa conduite envers Mme de Grandlieu lui eût mérité l' estime et la clientèle des meilleures maisons du faubourg Saint - Germain , il ne profitait pas de cette faveur comme en aurait pu profiter un homme ambitieux .
Il résistait aux offres de la vicomtesse qui voulait lui faire vendre sa charge et le jeter dans la magistrature , carrière où , par ses protections , il aurait obtenu le plus rapide avancement .
à l' exception de l' hôtel de Grandlieu , où il passait quelquefois la soirée , il n' allait dans le monde que pour y entretenir ses relations .
Il était fort heureux que ses talents eussent été mis en lumière par son dévouement à Mme de Grandlieu , car il aurait couru le risque de laisser dépérir son étude .
Derville n' avait pas une âme d' avoué . Depuis que le comte Ernest de Restaud s' était introduit chez la vicomtesse , et que Derville avait découvert la sympathie de Camille pour ce jeune homme , il était devenu aussi assidu chez Mme de Grandlieu que l' aurait été un dandy de la Chaussée - d' Antin nouvellement admis dans les cercles du noble faubourg .
Quelques jours auparavant , il s' était trouvé dans un bal auprès de Camille , et lui avait dit en montrant le jeune comte : " Il est dommage que ce garçon - là n' ait pas deux ou trois millions , n' est - ce pas ? - Est - ce un malheur ? Je ne le crois pas , avait - elle répondu .
M .

GOBSECK (II, privé)
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