----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----
" Camille , si vous continuez à tenir avec le jeune comte de Restaud la conduite que vous avez eue ce soir , vous m' obligerez à ne plus le recevoir . Écoutez , mon enfant , si vous avez confiance en ma tendresse , laissez - moi vous guider dans la vie . à dix - sept ans l' on ne sait juger ni de l' avenir , ni du passé , ni de certaines considérations sociales . Je ne vous ferai qu' une seule observation . M . de Restaud a une mère qui mangerait des millions , une femme mal née , une demoiselle Goriot qui jadis a fait beaucoup parler d' elle .
Elle s' est si mal comportée avec son père qu' elle ne mérite certes pas d' avoir un si bon fils . Le jeune comte l' adore et la soutient avec une piété filiale digne des plus grands éloges ; il a surtout de son frère et de sa soeur un soin extrême .
Quelque admirable que soit cette conduite , ajouta la vicomtesse d' un air fin , tant que sa mère existera , toutes les familles trembleront de confier à ce petit Restaud l' avenir et la fortune d' une jeune fille .
- J' ai entendu quelques mots qui me donnent envie d' intervenir entre vous et Mlle de Grandlieu , s' écria l' ami de la famille . - J' ai gagné , monsieur le comte , dit - il en s' adressant à son adversaire . Je vous laisse pour courir au secours de votre nièce .
- Voilà ce qui s' appelle avoir des oreilles d' avoué , s' écria la vicomtesse . Mon cher Derville , comment avez - vous pu entendre ce que je disais tout bas à Camille ?
- J' ai compris vos regards " , répondit Derville en s' asseyant dans une bergère au coin de la cheminée .
L' oncle se mit à côté de sa nièce , et Mme de Grandlieu prit place sur une chauffeuse , entre sa fille et Derville .
" Il est temps , madame la vicomtesse , que je vous conte une histoire qui vous fera modifier le jugement que vous portez sur la fortune du comte Ernest de Restaud .
- Une histoire ! s' écria Camille . Commencez donc vite , monsieur . "
Derville jeta sur Mme de Grandlieu un regard qui lui fit comprendre que ce récit devait l' intéresser . La vicomtesse de Grandlieu était , par sa fortune et par l' antiquité de son nom , une des femmes les plus remarquables du faubourg Saint - Germain ; et , s' il ne semble pas naturel qu' un avoué de Paris pût lui parler si familièrement et se comportât chez elle d' une manière si cavalière , il est néanmoins facile d' expliquer ce phénomène .
GOBSECK (II, privé)
Page: 962