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Aussi est - ce une créature véritablement originale . Vingt fois saisie par le crayon du peintre , par le pinceau du caricaturiste , par la plombagine du dessinateur , elle échappe à toutes les analyses , parce qu' elle est insaisissable dans tous ses modes , comme l' est la nature , comme l' est ce fantasque Paris .
En effet , elle ne tient au vice que par un rayon , et s' en éloigne par les mille autres points de la circonférence sociale . D' ailleurs , elle ne laisse deviner qu' un trait de son caractère , le seul qui la rende blâmable : ses belles vertus sont cachées ; son naïf dévergondage , elle en fait gloire .
Incomplètement traduite dans les drames et les livres où elle a été mise en scène avec toutes ses poésies , elle ne sera jamais vraie que dans son grenier , parce qu' elle sera toujours , autre part , ou calomniée ou flattée .
Riche , elle se vicie ; pauvre , elle est incomprise .
Et cela ne saurait être autrement ! Elle a trop de vices et trop de bonnes qualités ; elle est trop près d' une asphyxie sublime ou d' un rire flétrissant ; elle est trop belle et trop hideuse ; elle personnifie trop bien Paris , auquel elle fournit des portières édentées , des laveuses de linge , des balayeuses , des mendiantes , parfois des comtesses impertinentes , des actrices admirées , des cantatrices applaudies ; elle a même donné jadis deux quasi reines à la monarchie .
Qui pourrait saisir un tel Protée ? Elle est toute la femme , moins que la femme , plus que la femme .
De ce vaste portrait , un peintre de moeurs ne peut rendre que certains détails , l' ensemble est l' infini .

FERRAGUS (V, paris)
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