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- " Si tu ne l' aimes pas bien , si tu lui fais la moindre peine , je te tuerai . " Tel était le sens de ce rapide regard . De Marsay fut conduit avec des soins presque serviles le long d' un corridor éclairé par des jours de souffrance , et au bout duquel il sortit par une porte secrète dans un escalier dérobé qui conduisait au jardin de l' hôtel San - Réal . Le mulâtre le fit marcher précautionneusement le long d' une allée de tilleuls qui aboutissait à une petite porte donnant sur une rue déserte à cette époque .
De Marsay remarqua bien tout , la voiture l' attendait ; cette fois le mulâtre ne l' accompagna point ; et , au moment où Henri mit la tête à la portière pour revoir les jardins et l' hôtel , il rencontra les yeux blancs de Christemio , avec lequel il échangea un regard .
De part et d' autre ce fut une provocation , un défi , l' annonce d' une guerre de sauvages , d' un duel où cessaient les lois ordinaires , où la trahison , où la perfidie était un moyen admis .
Christemio savait qu' Henri avait juré la mort de Paquita . Henri savait que Christemio voulait le tuer avant qu' il ne tuât Paquita . Tous deux s' entendirent à merveille .
" L' aventure se complique d' une façon assez intéressante " , se dit Henri .
" Où monsieur va - t - il ? " lui demanda le cocher .
De Marsay se fit conduire chez Paul de Manerville .
Pendant plus d' une semaine Henri fut absent de chez lui , sans que personne pût savoir ni ce qu' il fit pendant ce temps , ni dans quel endroit il demeura . Cette retraite le sauva de la fureur du mulâtre , et causa la perte de la pauvre créature qui avait mis toute son espérance dans celui qu' elle aimait comme jamais aucune créature n' aima sur cette terre .
Le dernier jour de cette semaine , vers onze heures du soir , Henri vint en voiture à la petite porte du jardin de l' hôtel San - Réal .
Trois hommes l' accompagnaient . Le cocher était évidemment un de ses amis , car il se leva droit sur son siège , en homme qui voulait , comme une sentinelle attentive , écouter le moindre bruit .
L' un des trois autres se tint en dehors de la porte , dans la rue ; le second resta debout dans le jardin , appuyé sur le mur ; le dernier , qui tenait à la main un trousseau de clefs , accompagna de Marsay .
" Henri , lui dit son compagnon , nous sommes trahis .
- Par qui , mon bon Ferragus ?
- Ils ne dorment pas tous , répondit le chef des Dévorants : il faut absolument que quelqu' un de la maison n' ait ni bu ni mangé . Tiens , vois cette lumière .
- Nous avons le plan de la maison , d' où vient - elle ?
- Je n' ai pas besoin du plan pour le savoir , répondit Ferragus ; elle vient de la chambre de la marquise .
FILLE AUX YEUX D OR (V, paris)
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