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Elle le pressa de tous les Côtés à la fois , lui apporta sa tête sous la sienne , lui présenta ses lèvres , et prit un baiser qui leur donna de tels vertiges à tous deux , que de Marsay crut que la terre s' ouvrait , et que Paquita cria : " Va - t' en ! " d' une voix qui annonçait assez combien elle était peu maîtresse d' elle - même . Mais elle le garda tout en lui criant toujours : " Va - t' en " et le mena lentement jusqu' à l' escalier .
Là , le mulâtre , dont les yeux blancs s' allumèrent à la vue de Paquita , prit le flambeau des mains de son idole , et conduisit Henri jusqu' à la rue . Il laissa le flambeau sous la voûte , ouvrit la portière , remit Henri dans la voiture , et le déposa sur le boulevard des Italiens avec une rapidité merveilleuse .
Les chevaux semblaient avoir l' enfer dans le corps .
Cette scène fut comme un songe pour de Marsay , mais un de ces songes qui , tout en s' évanouissant , laissent dans l' âme un sentiment de volupté surnaturelle , après laquelle un homme court pendant le reste de sa vie .
Un seul baiser avait suffi . Aucun rendez - vous ne s' était passé d' une manière plus décente , ni plus chaste , ni plus froide peut - être , dans un lieu plus horrible par les détails devant une plus hideuse divinité , car cette mère était restée dans l' imagination d' Henri comme quelque chose d' infernal , d' accroupi , de cadavéreux , de vicieux , de sauvagement féroce , que la fantaisie des peintres et des poètes n' avait pas encore deviné .
En effet jamais rendez - vous n' avait plus irrité ses sens , n' avait révélé de voluptés plus hardies , n' avait mieux fait jaillir l' amour de son centre pour se répandre comme une atmosphère autour d' un homme .
Ce fut quelque chose de sombre , de mystérieux , de doux , de tendre , de contraint et d' expansif , un accouplement de l' horrible et du céleste , du paradis et de l' enfer , qui rendit de Marsay comme ivre .
Il ne fut plus lui - même , et il était assez grand cependant pour pouvoir résister aux enivrements du plaisir .
Pour bien comprendre sa conduite au dénouement de cette histoire , il est nécessaire d' expliquer comment son âme s' était élargie à l' âge où les jeunes gens se rapetissent ordinairement en se mêlant aux femmes ou en s' en occupant trop .
Il avait grandi par un concours de circonstances secrètes qui l' investissaient d' un immense pouvoir inconnu . Ce jeune homme avait en main un sceptre plus puissant que ne l' est celui des rois modernes presque tous bridés par les lois dans leurs moindres volontés .

FILLE AUX YEUX D OR (V, paris)
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