----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Si vous en voyez un , assurément il appartient : à un ecclésiastique jeune et fervent , ou à quelque bon abbé quadragénaire , à triple menton ; à une jeune personne de moeurs pures comme il s' en élève dans certaines familles bourgeoises ; à une mère de vingt ans , encore pleine d' illusions et qui allaite son premier né ; à un jeune homme frais débarqué de province , et confié à une douairière dévote qui le laisse sans un sou ; ou peut - être à quelque garçon de boutique qui se couche à minuit , bien fatigué d' avoir plié ou déplié du calicot , et qui se lève à sept heures pour arranger l' étalage ; ou , souvent , à un homme de science ou de poésie , qui vit monastiquement en bonne fortune avec une belle idée , qui demeure sobre , patient et chaste , ou à quelque sot , content de lui - même , se nourrissant de bêtise , crevant de santé , toujours occupé de se sourire à lui - même ; ou à l' heureuse et molle espèce des flâneurs , les seuls gens réellement heureux à Paris , et qui en dégustent à chaque heure les mouvantes poésies .
Néanmoins , il est à Paris une portion d' êtres privilégiés auxquels profite ce mouvement excessif des fabrications , des intérêts , des affaires , des arts et de l' or .
Ces êtres sont les femmes .
Quoiqu' elles aient aussi mille causes secrètes qui là , plus qu' ailleurs , détruisent leur physionomie , il se rencontre , dans le monde féminin , de petites peuplades heureuses qui vivent à l' orientale , et peuvent conserver leur beauté ; mais ces femmes se montrent rarement à pied dans les rues , elles demeurent cachées , comme des plantes rares qui ne déploient leurs pétales qu' à certaines heures , et qui constituent de véritables exceptions exotiques .
Cependant Paris est essentiellement aussi le pays des contrastes .
Si les sentiments vrais y sont rares , il se rencontre aussi , là comme ailleurs , de nobles amitiés , des dévouements sans bornes .
Sur ce champ de bataille des intérêts et des passions , de même qu' au milieu de ces sociétés en marche où triomphe l' égoïsme , où chacun est obligé de se défendre lui seul , et que nous appelons des armées , il semble que les sentiments se plaisent à être complets quand ils se montrent , et sont sublimes par juxtaposition .
Ainsi des figures .
à Paris , parfois , dans la haute aristocratie , se voient clairsemés quelques ravissants visages de jeunes gens , fruits d' une éducation et de moeurs tout exceptionnelles .
à la juvénile beauté du sang anglais ils unissent la fermeté des traits méridionaux , l' esprit français , la pureté de la forme .

FILLE AUX YEUX D OR (V, paris)
Page:1053