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Maintenant , ne respirez - vous pas ? Ne sentez - vous pas l' air et l' espace purifiés ? Ici , ni travaux ni peines . La tournoyante volute de l' or a gagné les sommités . Du fond des soupiraux où commencent ses rigoles , du fond des boutiques où l' arrêtent de chétifs batardeaux , du sein des comptoirs et des grandes officines où il se laisse mettre en barres , l' or , sous forme de dots ou de successions , amené par la main des jeunes filles ou par les mains ossues du vieillard , jaillit vers la gent aristocratique où il va reluire , s' étaler , ruisseler .
Mais avant de quitter les quatre terrains sur lesquels s' appuie la haute propriété parisienne , ne faut - il pas , après les causes morales dites , déduire les causes physiques , et faire observer une peste , pour ainsi dire sous - jacente , qui constamment agit sur les visages du portier , du boutiquier , de l' ouvrier ; signaler une délétère influence dont la corruption égale celle des administrateurs parisiens qui la laissent complaisamment subsister ! Si l' air des maisons où vivent la plupart des bourgeois est infect , si l' atmosphère des rues crache des miasmes cruels en des arrière - boutiques où l' air se raréfie , sachez qu' outre cette pestilence , les quarante mille maisons de cette grande ville baignent leurs pieds en des immondices que le pouvoir n' a pas encore voulu sérieusement enceindre de murs en béton qui pussent empêcher la plus fétide boue de filtrer à travers le sol , d' y empoisonner les puits et de continuer souterrainement à Lutèce son nom célèbre .
La moitié de Paris couche dans les exhalaisons putrides des cours , des rues et des basses oeuvres .
Mais abordons les grands salons aérés et dorés , les hôtels à jardins , le monde riche , oisif , heureux , renté .
Les figures y sont étiolées et rongées par la vanité .
Là rien de réel .
Chercher le plaisir , n' est - ce pas trouver l' ennui ? Les gens du monde ont de bonne heure fourbu leur nature .
N' étant occupés qu' à se fabriquer de la joie , ils ont promptement abusé de leurs sens , comme l' ouvrier abuse de l' eau - de - vie .
Le plaisir est comme certaines substances médicales : pour obtenir constamment les mêmes effets , il faut doubler les doses , et la mort ou l' abrutissement est contenu dans la dernière .
Toutes les classes inférieures sont tapies devant les riches et en guettent les goûts pour en faire des vices et les exploiter .
Comment résister aux habiles séductions qui se trament en ce pays ? Aussi Paris a - t - il ses thériakis , pour qui le jeu , la gastrolâtrie ou la courtisane sont un opium .
Aussi voyez - vous de bonne heure à ces gens - là des goûts et non des passions , des fantaisies romanesques et des amours frileux .
FILLE AUX YEUX D OR (V, paris)
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