----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----
- Mon père , vous m' effrayez quand vous me regardez ainsi . Ne mettez pas en balance deux sentiments si différents . J' avais un époux avant de savoir que mon père était vivant ... - Si ton mari a mis , le premier , des baisers sur ton front , répondit Ferragus , moi , le premier , j' y ai mis des larmes ... Rassure - toi , Clémence , parle à coeur ouvert . Je t' aime assez pour être heureux de savoir que tu es heureuse , quoique ton père ne soit presque rien dans ton coeur , tandis que tu remplis le sien .
- Mon Dieu , de semblables paroles me font trop de bien ! Vous vous faites aimer davantage , et il me semble que c' est voler quelque chose à Jules . Mais , mon bon père , songez donc qu' il est au désespoir . Que lui dire dans deux heures ?
- Enfant , ai - je donc attendu ta lettre pour te sauver du malheur qui te menace ? Et que deviennent ceux qui s' avisent de toucher à ton bonheur , ou de se mettre entre nous ? N' as - tu donc jamais reconnu la seconde providence qui veille sur toi ? Tu ne sais pas que douze hommes pleins de force et d' intelligence forment un cortège autour de ton amour et de ta vie , prêts à tout pour votre conservation ? Est - ce un père qui risquait la mort en allant te voir aux promenades , ou en venant t' admirer dans ton petit lit chez ta mère , pendant la nuit ? est - ce le père auquel un souvenir de tes caresses d' enfant a seul donné la force de vivre , au moment où un homme d' honneur devait se tuer pour échapper à l' infamie ? Est - ce MOI enfin , moi qui ne respire que par ta bouche , moi qui ne vois que par tes yeux , moi qui ne sens que par ton coeur , est - ce moi qui ne saurais pas défendre avec des ongles de lion , avec l' âme d' un père , mon seul bien , ma vie , ma fille ? ... Mais , depuis la mort de cet ange qui fut ta mère , je n' ai rêvé qu' à une seule chose , au bonheur de t' avouer pour ma fille , de te serrer dans mes bras à la face du ciel et de la terre , à tuer le forçat ... " Il y eut là une légère pause ... " à te donner un père , reprit - il , à pouvoir presser sans honte la main de ton mari , à vivre sans crainte dans vos coeurs , à dire à tout le monde en te voyant : " Voilà mon enfant ! " enfin , à être père à mon aise !
- O mon père , mon père !
FERRAGUS (V, paris)
Page: 876