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Il s' évanouit , sans pouvoir achever une mordante plaisanterie qui expira sur ses lèvres ; mais , quoiqu' il perdit beaucoup de sang , sa blessure n' était pas dangereuse . Après une quinzaine de jours pendant lesquels la douairière et le vidame lui prodiguèrent ces soins de vieillard , soins dont une longue expérience de la vie donne seule le secret , un matin sa grand - mère lui porta de rudes coups . Elle lui révéla les mortelles inquiétudes auxquelles étaient livrés ses vieux , ses derniers jours . Elle avait reçu une lettre signée d' un F , dans laquelle l' histoire de l' espionnage auquel s' était abaissé son petit - fils lui était , de point en point , racontée .
Dans cette lettre , des actions indignes d' un honnête homme étaient reprochées à M .
de Maulincour . Il avait disait - on , mis une vieille femme rue de Ménars , sur la place de fiacres qui s' y trouve , vieille espionne occupée en apparence à vendre aux cochers l' eau de ses tonneaux , mais en réalité chargée d' épier les démarches de Mme Jules Desmarets .
Il avait espionné l' homme le plus inoffensif du monde pour en pénétrer tous les secrets , quand , de ces secrets , dépendait la vie ou la mort de trois personnes .
Lui seul avait voulu la lutte impitoyable dans laquelle , déjà blessé trois fois , il succomberait inévitablement , parce que sa mort avait été jurée , et serait sollicitée par tous les moyens humains .
M . de Maulincour ne pourrait même plus éviter son sort en promettant de respecter la vie mystérieuse de ces trois personnes , parce qu' il était impossible de croire à la parole d' un gentilhomme capable de tomber aussi bas que des agents de police ; et pourquoi , pour troubler , sans raison , la vie d' une femme innocente et d' un vieillard respectable .
La lettre ne fut rien pour Auguste , en comparaison des tendres reproches que lui fit essuyer la baronne de Maulincour .
Manquer de respect et de confiance envers une femme , l' espionner sans en avoir le droit ! Et devait - on espionner la femme dont on est aimé ? Ce fut un torrent de ces excellentes raisons qui ne prouvent jamais rien , et qui mirent , pour la première fois de sa vie , le jeune baron dans une des grandes colères humaines où germent , d' où sortent les actions les plus capitales de la vie .
" Puisque ce duel est un duel à mort , dit - il en forme de conclusion , je dois tuer mon ennemi par tous les moyens que je puis avoir à ma disposition . "
FERRAGUS (V, paris)
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