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Moïna vit transporter sa mère , pâle , inanimée , respirant avec difficulté , mais agitant les bras comme si elle voulait ou lutter ou parler . Atterrée par ce spectacle , Moïna suivit sa mère , aida silencieusement à la coucher sur son lit et à la déshabiller . Sa faute l' accabla . En ce moment suprême , elle connut sa mère , et ne pouvait plus rien réparer . Elle voulut être seule avec elle ; et quand il n' y eut plus personne dans la chambre , qu' elle sentit le froid de cette main pour elle toujours caressante , elle fondit en larmes .
Réveillée par ces pleurs , la marquise put encore regarder sa chère Moïna ; puis , au bruit de ses sanglots , qui semblaient vouloir briser ce sein délicat et en désordre , elle contempla sa fille en souriant .
Ce sourire prouvait à cette jeune parricide que le coeur d' une mère est un abîme au fond duquel se trouve toujours un pardon .
Aussitôt que l' état de la marquise fut connu , des gens à cheval avaient été expédiés pour aller chercher le médecin , le chirurgien et les petits - enfants de Mme d' Aiglemont .
La jeune marquise et ses enfants arrivèrent en même temps que les gens de l' art et formèrent une assemblée assez imposante , silencieuse , inquiète , à laquelle se mêlèrent les domestiques .
La jeune marquise , qui n' entendait aucun bruit , vint frapper doucement à la porte de la chambre . à ce signal , Moïna , réveillée sans doute dans sa douleur , poussa brusquement les deux battants , jeta des yeux hagards sur cette assemblée de famille et se montra dans un désordre qui parlait plus haut que le langage .
A l' aspect de ce remords vivant chacun resta muet .
Il était facile d' apercevoir les pieds de la marquise roides et tendus convulsivement sur le lit de mort . Moïna s' appuya sur la porte , regarda ses parents , et dit d' une voix creuse : " J' ai perdu ma mère ! "
Paris , 1828 - 1844 .

FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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