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à moins de quelque caprice , à moins qu' une jeune dame ne veuille monter à cheval , ou qu' un vieux diplomate n' ait un protocole à refaire à cette heure , valets et maîtres , tout dort , ou tout se réveille .
La vieille dame si matinale était la marquise d' Aiglemont , mère de Mme de Saint - Héreen , à qui ce bel hôtel appartenait . La marquise s' en était privée pour sa fille à qui elle avait donné toute sa fortune , en ne se réservant qu' une pension viagère .
La comtesse Moïna de Saint - Héreen était le dernier enfant de Mme d' Aiglemont . Pour lui faire épouser l' héritier d' une des plus illustres maisons de France , la marquise avait tout sacrifié .
Rien n' était plus naturel ; elle avait successivement perdu deux fils ; l' un , Gustave marquis d' Aiglemont , était mort du choléra ; l' autre Abel avait succombé devant Constantine .
Gustave laissa les enfants et une veuve . Mais l' affection assez tiède que Mme d' Aiglemont avait portée à ses deux fils s' était encore affaiblie en passant à ses petits - enfants . Elle se comportait poliment avec Mme d' Aiglemont la jeune : mais elle s' en tenait au sentiment superficiel que le bon goût et les convenances nous prescrivent de témoigner à nos proches .
La fortune de ses enfants morts ayant été parfaitement réglée , elle avait réservé pour sa chère Moïna ses économies et ses biens propres .
Moïna , belle et ravissante depuis son enfance , avait toujours été pour Mme d' Aiglemont l' objet d' une de ces prédilections innées ou involontaires chez les mères de famille ; fatales sympathies qui semblent inexplicables , ou que les observateurs savent trop bien expliquer .
La charmante figure de Moïna , le son de voix de cette fille chérie , ses manières , sa démarche sa physionomie , ses gestes , tout en elle réveillait chez la marquise les émotions les plus profondes qui puissent animer , troubler ou charmer le coeur d' une mère .
Le principe de sa vie présente , de sa vie du lendemain , de sa vie passée , était dans le coeur de cette jeune femme où elle avait jeté tous ses trésors .
Moïna avait heureusement survécu à quatre enfants , ses aînés .
Mme d' Aiglemont avait en effet perdu , de la manière la plus malheureuse , disaient les gens du monde , une fille charmante dont la destinée était presque inconnue , et un petit garçon , enlevé à cinq ans par une horrible catastrophe .

FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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