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Mais rien ne saurait rendre la perçante finesse , la malicieuse naïveté , la sauvage attention qui animait ce visage enfantin aux yeux légèrement cernés , quand la jolie femme ou son compagnon caressaient les boucles blondes , pressaient gentiment le cou frais , la blanche collerette du petit garçon , au moment où , par enfantillage , il essayait de marcher avec eux . Il y avait certes une passion d' homme sur la physionomie grêle de cette petite fille bizarre . Elle souffrait ou pensait .
Or , qui prophétise plus sûrement la mort chez ces créatures en fleur ? est - ce la souffrance logée au corps , ou la pensée hâtive dévorant leurs âmes , à peine germées ? Une mère sait cela peut - être .
Pour moi , je ne connais maintenant rien de plus horrible qu' une pensée de vieillard sur un front d' enfant ; le blasphème aux lèvres d' une vierge est moins monstrueux encore . Aussi l' attitude presque stupide de cette fille déjà pensive , la rareté de ses gestes tout m' intéressa - t - il .
Je l' examinai curieusement . Par une fantaisie naturelle aux observateurs , je la comparais à son frère , en cherchant à surprendre les rapports et les différences qui se trouvaient entre eux .
La première avait des cheveux bruns , des yeux noirs et une puissance précoce qui formaient une riche opposition avec la blonde chevelure , les yeux vert de mer et la gracieuse faiblesse du plus jeune .
L' aînée pouvait avoir environ sept à huit ans , l' autre six à peine . Ils étaient habillés de la même manière . Cependant , en les regardant avec attention , je remarquai dans les collerettes de leurs chemises une différence assez frivole , mais qui plus tard me révéla tout un roman dans le passé , tout un drame dans l' avenir .
Et c' était bien peu de chose .
Un simple ourlet bordait la collerette de la petite fille brune , tandis que de jolies broderies ornaient celle du cadet , et trahissaient un secret de coeur , une prédilection tacite que les enfants lisent dans l' âme de leurs mères , comme si l' esprit de Dieu était en eux .
Insouciant et gai , le blond ressemblait à une petite fille , tant sa peau blanche avait de fraîcheur , ses mouvements de grâce , sa physionomie de douceur , tandis que l' aînée , malgré sa force , malgré la beauté de ses traits et l' éclat de son teint , ressemblait à un petit garçon maladif .
Ses yeux vifs , dénués de cette humide vapeur qui donne tant de charme aux regards des enfants , semblaient avoir été comme ceux des courtisans , séchés par un feu intérieur .
Enfin , sa blancheur avait je ne sais quelle nuance mate , olivâtre , symptôme d' un vigoureux caractère .

FEMME DE 30 ANS (II, privé)
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